Halston: l’homme qui a perdu son nom

« Il n’est jamais parvenu à récupérer son nom. »

C’est par cette phrase que se clôt la mini-série de Netflix consacrée à Halston, le mythique créateur de mode américain Roy Halston Frowick, magistralement incarné par Ewan McGregor.
Par ce biopic, Netflix rend élégamment hommage, même si indirectement, à la propriété intellectuelle.

Halston – de son deuxième prénom, qui deviendra sa marque – s’est fait connaître pour ses créations minimalistes, de fluides robes caftans aux robes chemises en ultrasuède. Redéfinissant la silhouette féminine de son époque, il recartographira la sphère de la haute-couture afin d’y implanter les États-Unis, dont il sera un représentant incontournable pour de nombreuses années.

Personnage extravaguant et sulfureux, Halston est également un habitué du célèbre Studio 54, qu’il fréquente régulièrement avec ses amis Joe Eula, Elsa Peretti, Andy Warhol, Bianca Jagger et Liza Minnelli.

Fortement romancée, la mini-série se caractérise par une bande-son et une direction de la photographie de haut vol. Mais c’est tout en douceur, presque subrepticement, qu’elle nous entraine au travers du drame faustien vécu par le créateur, d’abord acteur, puis témoin impuissant de la dégradation de sa marque jusqu’à la perte de celle-ci.

Tout débute en 1973 avec l’acquisition de sa société par le conglomérat Norton Simon Inc. - Halston sera ensuite balloté d’acquéreur en acquéreur, perdant petit à petit tout contrôle sur ses choix créatifs, jusqu’au conflit en 1984, où il sera exclu de sa propre société et interdit l’usage de son nom

Cette perte de contrôle sur sa création l’amènera à s’éloigner malgré lui de l’image de marque de haute couture qui avait fait sa renommée. Et l’annonce de son accord avec JCPenney, une grande surface pour laquelle il créera une ligne de vêtements, accessoires et cosmétiques à prix abordables, lui coutera notamment son partenariat avec le grand magasin de haute gamme Bergdorf Goodman, avec lequel il collaborait depuis deux décennies, et produira déception auprès de ses amis et mépris au sein de ses pairs.

“He sold his name, baby,” grogne son ami Joe Eula, dans l’extrait du livre de Steven Gaines « The Man Who Sold His Name », publié dans Vanity Fair.

En associant son nom avec JCPenney, Halston a malheureusement déprécié sa devise et désenchanté ses propres créations. Halston devient synonyme de JCPenney : chaussettes, bagages, etc. mais n’évoque plus l'œuvre d'art qui avait fait le nom d’Halston.

En perdant le droit d’usage sur son nom, Halston a vu ses créations dépouillées de l’aura magique qui entourait celui-ci, de cette identité unique qui leur donnait tant de cachet. Les noms, les marques ont cette magie qui les caractérise. Les noms conjurent. Lorsque vous n'avez plus accès à votre nom, il n'y a plus rien qui vous distingue. Parce qu'un nom n'est pas seulement un mot, un nom est une évocation.

Et c’est cette évocation que la propriété intellectuelle abrite et défend. « To translate ideas is magic » évoque Elsa Peretti dans “My Forty Plus Years with Tiffany”. C’est cette magie dont la propriété intellectuelle permet la manifestation et l’épanouissement sans ombres ni menaces.

D’ailleurs, Elsa Peretti, amie de longue date d’Halston, traverse également ce biopic à pas de velours. Elsa Peretti est d’autant plus fascinante qu’elle apparaît en parfaite polarité avec Halston. La créatrice de bijoux, dont la collaboration avec Tiffany & Co a fait la renommée et qui a débuté par l’entremise d’Halston, a non seulement su conserver ses droits sur son nom, mais fait figure de véritable stratège en matière de propriété intellectuelle. C’est d’ailleurs sur les conseils de ce dernier qu’elle a conservé ses droits sur son nom. Au fil des ans, et notamment en 2012/2013, lors d’une négociation mémorable portant sur ses droits de propriété intellectuelle et la valeur qu’ils représentaient pour Tiffany & Co, Elsa Peretti a su construire une véritable forteresse de droits protégeant son génie créatif.

Mais ceci est une autre histoire.

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