La marque comme garantie de provenance des produits ou services

Par Colombe Dougnac,

A côté de sa fonction de garantie d’origine, permettant de différencier les produits ou services de différentes entreprises, la marque tend à devenir un indicateur de provenance du produit. Les sociétés s’inspirent du caractère évocateur de la marque afin de donner à celle-ci une fonction communicante du « made in local », au risque de remettre en cause le droit lui-même qui ne répondrait plus aux conditions de licéité ou de distinctivité exigées par l’article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Différentes catégories de signes permettent d’évoquer cette origine :

La marque géographique

un nom géographique est susceptible d’être enregistré à titre de marque sous réserve que celui-ci n’indique pas la provenance du produit, qu’il ne porte pas atteinte à une indication géographique dans ses éléments verbaux mais également figuratifs ou qu’il ne désigne pas un lieu déjà réputé ou connu pour la catégorie de produits concernés.

Ainsi des signes tels que MONACO pour désigner des services de  transport (TUE,  15 janvier 2015, C-622/13) ou CASTEL pour des vins (CJUE, 30 avril
2015, C-622/13 P) ont pu être rejetés, alors que des signes tels que PORT CHARLOTTE pour des spiritueux (CJUE, 14 septembre 2017, C-56/16  P) ou ALASKA  pour des boissons ont  été enregistrés.

Pour  les marques figuratives, les couleurs « bleu/blanc/rouge » faisant référence au territoire français, peuvent être enregistrées sous réserve que le graphisme ne soit pas représenté sous la forme d’un signe étatique.

La marque viticole

La marque viticole est exclue du champs de protection, le dépôt à titre de marque de l’une des 383 appellations d'origine protégée ou contrôlée viticoles, telles que Bordeaux, Chablis, Grave, Beaujolais ou Saint-Emilion, sous peine d’être considéré comme descriptif. Les AOC (Appellation d’origine contrôlée) et AOP (Appellation d’origine protégée) garantissent la qualité d’un vin en raison de son origine géographique et des caractéristiques déterminées selon un cahier des charges, et ne peuvent être monopolisées par un producteur, même unique. C’est ainsi que l'enregistrement de la marque "CUVEE PALOMAR" pour du vin a été refusé compte tenu de l'indication géographique espagnole "PALOMAR" (TUE, 11 mai 2010, Abadia Retuerta/ OHMI, T-237/08).

Une marque vinicole doit également répondre à certaines conditions d’exploitation lorsqu’elle reprend des vocables appartenant à ce domaine. Ainsi, le nom « château », ou termes assimilés, tels que « clos », « domaines », « cru » et « hospices », est réglementé et réservé « aux vins bénéficiant d'une Appellation d'Origine Protégée lorsque les vins sont issus de raisins récoltés sur les parcelles d'une exploitation ainsi dénommée et vinifiés dans cette exploitation » (Article 7 du Décret du 4 mai 2012).

La marque patronymique

souvent garant de la personne créatrice du produit, s’est construite au fil des décisions judiciaires. Son exploitation par une société, alors que la personne ne travaille plus en son sein, a posé la problématique de son caractère déceptif. La Cour de justice a tranché en estimant qu'une marque composée d'un nom patronymique ne devenait pas automatiquement déceptive au seul motif que la personne titulaire de ce nom n'appartenait plus à l’entité commercialisant les produits sous ladite marque, sous réserve qu'il n'existe pas de volonté de la part de l'entreprise titulaire de la marque de faire croire au consommateur que la créatrice participait toujours à la création des vêtement (CJCE, 30 mars 2006, Elizabeth Florence Emanuel c/ Continental Shelf, C-259/04).

C’est ainsi que Pierre Bordas (C.cass, 12 mars 1985, aff. n°84-171163), Ines de La Fressange (C. cass, 31 janvier 2006, aff. n°05-10116), Lucien Mazenod (C. cass, 27 février 1990) ou encore plus récemment Christian Lacroix (Cour d'appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 28 février 2020, 2019/02361 se sont vus déposséder de leur nom patronymique par la société.

La marque collective ou de garantie

A côté de la marque commerciale, un arsenal juridique s’est mis en place pour les marques dites collectives qui permettent de garantir la qualité du produit et service selon certaines des caractéristiques prévues par un règlement d’usage. La nouvelle législation est venue renforcer leurs conditions d’acquisition même si elle n’a pas ouvert leur accès aux signes descriptifs de l’origine géographique des produits.

Bien que soumises aux mêmes conditions d’enregistrement que tout autre signe, les spécificités inhérentes à ces marques évocatrices de la provenance des produits ou services, doivent être prises en compte, et ce, compte tenu de la tendance générale venant renforcer leur importance, notamment par l’ordonnance 2019- 1169 du 13 novembre 2019, transposant en droit interne la directive dite « Paquet marques », donnant une large part aux indications géographiques et aux marques collectives.

Colombe Dougnac, Conseil en Propriété Industrielle, Conseil Européen en Marques, Dessins et Modèles Novagraaf, Bordeaux

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