Une machine peut-elle être désignée en tant qu’inventeur ?

Door Stéphanie Landais-Patarin,

Une Demande de Brevet européen N°18275163 relative à un conteneur alimentaire a été déposée le 17 octobre 2018 sans remplir le champ pour désigner l’inventeur dans la requête en délivrance ni fournir une désignation d’inventeur distincte.

Suite à une Communication de la Section de dépôt de l’Office Européen des Brevets (OEB) invitant le Demandeur à remédier à cette déficience, ce dernier a déposé dans le délai imparti une désignation d’inventeur désignant la machine DABUS comme inventeur en expliquant qu’il s’agissait d’une sorte d’intelligence artificielle connexionniste dont il avait acquis le droit au Brevet comme employeur. Sans explication, le Demandeur a ensuite déposé une désignation d’inventeur corrigée dans laquelle il indiquait avoir acquis le droit au Brevet en tant qu’ayant cause.

Le Demandeur a également expliqué que la machine DABUS était le concepteur réel de l’invention qui avait identifié la nouveauté de sa propre idée avant qu’une personne physique ne le fasse ; ce qui lui conférait donc la nature d’inventeur et lui de demandeur de tout droit de propriété intellectuelle créé par la machine en tant que son propriétaire.

Dans sa Citation à une procédure orale, la Section de dépôt a indiqué que la Demande était rejetée car un inventeur doit être désigné par son nom, prénom et adresse complète et être une personne physique.

Le Demandeur a argumenté que la Convention sur le Brevet Européen (CBE) ne requiert pas que l’inventeur soit un humain mais seulement d’identifier correctement l’inventeur ; ce qui a été le cas pour le système DABUS. En outre il a argumenté que requérir une désignation par le nom et prénom exclut les personnes physiques mononymes.

La Section de dépôt a répondu que le nom donné à une chose n’est pas équivalent au nom, prénom ou mononyme donné à une personne physique. Les noms donnés aux personnes physiques servent non seulement à les identifier mais également à exercer leurs droits - en tout ou partie dans le cas de mineurs ou d’incapables sinon à voir ces droits transférés dans des conditions prévues par les lois nationales - et font partie de leur personnalité juridique. Or les choses n’ont pas de droits qu’un nom leur permettrait d’exercer car elles n’ont pas de personnalité juridique. Elles ne peuvent donc pas être employées (mais sont plutôt possédées) ni transférer de droit à un ayant cause (héritier). La Section de dépôt a par ailleurs rappelé que cette approche est un standard appliqué à l’international, par exemple suivi par les Offices chinois, japonais, coréen et américain.

Le Demandeur ayant refusé de modifier sa désignation d’inventeur, la Section de dépôt a rejeté la Demande de Brevet.

La décision de la Section de dépôt n’est pas surprenante dans la mesure où une intelligence artificielle n’a pas de personnalité juridique. De fait elle ne peut donc pas posséder de droits, en particulier sur une invention, et encore moins transférer ces droits dans le cadre d’une relation de travail ou par succession. En cas d’Appel, il est peu probable que les arguments présentés par le Demandeur puissent convaincre les Chambres de Recours d’annuler la décision de la Section de dépôt.

Stéphanie Landais-Patarin, Conseil en Propriété Industrielle en Brevets Novagraaf.

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