Déposez vos masques : le geste barrière anti contrefaçon
Dispositif primordial pour lutter contre la propagation du Covid-19, le masque barrière représente aujourd’hui un marché à part entière. Porter un masque reste une contrainte pour beaucoup d’entre nous, pourtant cette pratique risque fort de se généraliser même lorsque l’obligation légale aura disparu.
« Le monde est un grand bal où chacun est masqué » disait en son temps le marquis de Vauvenargues, bien avant la Compagnie Créole.
Le masque tend à devenir un accessoire de mode, comme c’est déjà le cas dans certains pays d’Asie. On peut par exemple citer la firme Burberry, qui commercialise aujourd’hui des masques lavables monogrammés, confectionnés dans son tissu signature. La marque Off White a également vendu des masques revêtus de son logo pour la modique somme de 87€ pièce, et déjà revendus en ligne trois fois plus chers.
Grandes entreprises ou petits entrepreneurs, beaucoup ont donc décidé d’exploiter le filon. Mais quiconque décide de se lancer sur le marché du masque doit s’interroger sur les droits de propriété intellectuelle qui y sont liés, et sur la manière dont il souhaite se protéger.
Marques de masques
Déposer la marque sous laquelle on souhaite vendre ses masques permettra de se distinguer des nombreux concurrents sur le marché. Pour obtenir son enregistrement, il faudra veiller à choisir un signe distinctif, disponible, conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs, et qui ne soit pas trompeur pour le consommateur.
On évitera les classiques « COVID » ou « CORONAVIRUS » pour les raisons déjà évoquées ici. Outre la contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, un refus d’enregistrement pourrait également être fondé sur un défaut de caractère distinctif de ces marques, si l’on perçoit une référence à une caractéristique ou à l’objet des masques désignés.
En consultant la base de données de l’INPI, on remarque qu’un grand nombre de marques récemment déposées incluent le terme « masque ». Les déposants devront prendre garde à y adjoindre un ou plusieurs éléments distinctifs, sous peine de voir leurs marques refusées à l’enregistrement pour défaut de caractère distinctif. Et si l’on peut saluer l’humour du déposant de la marque « Merde mon masque », on pourra aussi craindre un refus d’enregistrement pour défaut de caractère distinctif intrinsèque, tant l’expression est couramment utilisée aujourd’hui !
Enfin, il est important de bien déterminer les classes de produits qui seront visées par le dépôt de marque. Aujourd’hui on remarque que les déposants ont préféré « viser large » : classe 10 pour les masques chirurgicaux, 16 pour certains masques en papier, 24 pour ceux qui considèrent le masque comme un morceau de tissu, ou encore 25 si on le perçoit comme un vêtement à part entière – le terme « facewear » étant de plus en plus utilisé dans le commerce.
Nombre de ces dépôts sont encore en cour d’examen à ce jour. En attendant de voir se dégager une certaine tendance, on conseillera de viser a minima la classe 10 pour coller à la fonction première du masque, en désignant par exemple les « masques pour le visage à usage hygiénique » ou « masques hygiéniques de protection contre les germes » comme le propose le Gestionnaire des produits et services du système de Madrid (MGS).
Modèles de masques
On l’aura compris, le masque acquiert peu à peu une dimension esthétique. Or qui dit « apparence esthétique » dit double protection : d’une part grâce au droit d’auteur, qui va naître dès la création du masque (pour peu que celui soit original, c’est-à-dire reflète la personnalité de son auteur) ; d’autre part grâce au droit sur les dessins et modèles, qui permettra de protéger l'apparence extérieure du masque (à condition qu'elle soit nouvelle et possède un caractère propre).
En consultant les bases de données de l’INPI et de l’EUIPO, on remarque qu’énormément de modèles de masques ont été déposés en 2020, généralement en classe 29.02 (classification de Locarno) qui concerne les dispositifs et équipements pour la prévention d'accidents. Toutefois certains de ces modèles pourraient ne pas remplir la condition de caractère propre, selon laquelle l’apparence protégée doit présenter une impression visuelle d’ensemble différente d’une autre création.
Pour d’autres, on remarque que les représentations graphiques fournies ne permettent pas d’appréhender précisément l’objet que le déposant cherche à protéger : masque ou visière difficilement identifiable sur la photographie, contours du masque mal définis, etc... Ces déposants pourront avoir des difficultés à faire valoir leurs droits sur ces modèles. Il est important de rappeler que le but de la représentation graphique est de révéler les caractéristiques du modèle pour lequel la protection est demandée. Il convient donc de privilégier des dessins ou photographies claires sur fond neutre et sans aucun élément extérieur au masque en lui-même.
Masques brevetés
Un masque, une visière ou certains de leurs éléments pourront également faire l’objet d’un brevet. Pour que le brevet soit enregistré, il devra s’agir d’une nouvelle solution technique répondant à un problème technique, issue d’une activité inventive et susceptible d’application industrielle.
La crise sanitaire permet aux inventeurs de rivaliser d’ingéniosité, en mettant au point de nouveaux procédés ou en développant des technologies existantes, comme on a pu le voir avec le masque Easybreath déjà évoqué ici.
Là encore, un rapide tour des bases de données en ligne permet de voir un certain nombre de brevets déposés, tantôt pour des masques innovants comme un masque avec un dispositif d’affichage, tantôt pour certains de leurs composants comme des éléments d’étanchéité ou encore des systèmes d’absorption d’humidité.
Même si l’on souhaiterait que le port du masque se démode rapidement, l’objet a donc encore de beaux jours devant lui y compris sur le plan de la propriété intellectuelle.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à nous envoyer un mail à tm.fr@novagraaf.com.
Marine Dissoubray, Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France