Il n'y a qu'un seul Van Gogh... pour les boissons alcoolisées

Dans son refus sans équivoque de la demande d’enregistrement de la marque européenne "The Van Gogh", l'Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a confirmé ses décisions antérieures à propos du risque de confusion entre les "Extraits de fruits avec alcool » et les « Boissons alcoolisées", comme l'explique Clémence Guilbert.

Dans sa décision du 27 octobre 2020, la cinquième chambre de recours de l'EUIPO a approuvé le rejet de la demande de marque européenne pour les termes "The Van Gogh" et ce, pour l’ensemble des produits contestés. Ces décisions fournissent des indications cohérentes et utiles sur l'évaluation du risque de confusion entre deux marques européennes.

Risque de confusion : une évaluation éminemment factuelle

Le risque de confusion entre deux marques est un motif fondamental de refus d'enregistrement d’une marque dans l'UE, comme le dispose l'article 8, paragraphe 1, point b), du règlement sur la marque européenne.

La question de savoir s'il existe un risque de confusion entre deux marques se résume à une évaluation minutieuse du degré de similitude entre les signes et les produits et services couverts par ceux-ci.
Cela inclut la prise en compte des facteurs suivants :

  • Le public auquel les produits sont destinés ;
  • Les similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles entre les signes ;
  • La nature, la destination et le mode d'utilisation des produits et services désignés, et le fait qu’ils soient en concurrence ou complémentaires les uns des autres (Canon KK v MGM) ; et
  • Tout facteur supplémentaire, tel que les fabricants, les canaux de distribution et les points de vente.

En outre, comme le soutient régulièrement la jurisprudence : " un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement " (Canon). Dans de tels cas, il est nécessaire de procéder à une évaluation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents pour les circonstances de l'affaire (Sabel v Puma).

La bataille des « Van Gogh »

En novembre 2018, Changbo Sun a déposé une demande d’enregistrement d’une marque verbale européenne "The Van Gogh" pour des « Extraits de fruits avec alcool » et diverses Boissons alcoolisées appartenant à la classe 33. En février 2019, la société Luctor International LLC a formé une opposition sur la base de deux marques européennes antérieures portant sur "Van Gogh" et "Vincent Van Gogh", toutes deux enregistrées pour des "Boissons alcoolisées" en classe 33 et pour de la "Bière" en classe 32.

La division d'opposition de l'EUIPO a identifié un risque de confusion entre les marques et a partiellement fait droit à l'opposition, à l'exception des "Extraits de fruits avec alcool ", qui étaient considérés comme différents des produits de l'opposante.

La division d'opposition a estimé que les signes en conflit étaient très similaires d'un point de vue visuel et phonétique, car ils contenaient les mêmes mots/sons "Van Gogh", l'article "The" étant moins de nature à retenir l’attention du consommateur. D'un point de vue conceptuel, les signes étaient aussi très similaires, car ils seraient compris par le grand public anglophone comme faisant référence au célèbre artiste.

Luctor a interjeté appel devant la Chambre de recours de l'EUIPO afin d'étendre la décision d'opposition à tous les produits contestés, et a fait valoir que :

  • Au-delà de la simple similitude, la demande de marque litigieuse "The Van Gogh" devrait être considérée comme identique au signe antérieur "Van Gogh", l'article "The" passant inaperçu ;
  • Les " Extraits de fruits avec alcool" contestés n'étaient pas différents, mais présentaient au contraire un faible degré de similitude avec les "Boissons alcoolisées" de l'opposant e à l’instar de l’affaire (Sumol);
  • En raison du principe d'interdépendance énoncé dans l'arrêt Canon (voir citation ci-dessus), le degré élevé de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, voire l'identité des signes, combiné à une faible similitude entre les produits, aurait dû suffir pour rejeter la demande pour l'ensemble des produits désignés.

Sur les conclusions de la cinquième chambre de recours

S'appuyant sur ses précédentes conclusions dans l'affaire Sumol, la cinquième Chambre de recours a annulé l'élément contesté dans la décision de la division d'opposition et la demande marque « The Van Gogh » a été rejetée pour tous les produits contestés. Elle a en effet reconnu que les "Extraits de fruits avec alcool" de l'appelant et les "Boissons alcoolisées" de l'opposant présentaient un faible degré de similarité, ces produits étant :

  • Vendus dans les mêmes points de vente ;
  • Destinés au même public (en l'occurrence, un public professionnel et le grand public dans l'Union Européenne) ;
  • En concurrence les uns avec les autres ;
  • Produits par les mêmes entreprises ; et
  • Vendus par les mêmes canaux.

Si la Chambre n'a pas reconnu l'identité entre les signes, elle a estimé qu'ils étaient très similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.
L'affaire souligne une fois de plus l'importance d'une stratégie de surveillance des marques qui couvre toutes les classes connexes.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à nous envoyer un mail à tm.fr@novagraaf.com.

Clémence Guilbert travaille au Centre de Compétences de Novagraaf. Elle est basée à Amsterdam.

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