Les Pingti : quand les copies haut de gamme bousculent le luxe

Par Férielle Metekalerd ,
Pingti Unbranded designer-inspired fashion

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Dans l’univers du luxe, un phénomène intrigant gagne en popularité : les Pingti. Ces objets, souvent des sacs, vêtements ou accessoires, imitent fidèlement l’esthétique et la qualité des produits de luxe, mais sans arborer de logo ou de marque. Contrairement aux contrefaçons classiques, les Pingti ne revendiquent aucune affiliation à une maison renommée, brouillant ainsi les frontières entre contrefaçon et légalité. Si ce phénomène est bien connu en Chine, il se répand désormais en Europe et inquiète les maisons de luxe.

Qu’est-ce qu’un Pingti ?

Signifiant « leurre » en mandarin, les Pingti sont des copies de produits de luxe, reproduisant des designs, des matériaux et des finitions haut de gamme. En effet, en Chine, ces copies proviennent parfois des mêmes fournisseurs que ceux des grands noms du luxe. Cependant, les Pingti se démarquent par l’absence de reproduction de marque ou de logo, échappant ainsi à la qualification de contrefaçon de marque.

Pourquoi les Pingti séduisent-ils ?

Ces produits, largement popularisés par les réseaux sociaux et les forums spécialisés séduisent les amateurs de luxe grâce à leur qualité irréprochable et à leurs prix très compétitifs, pouvant être jusqu'à dix fois moins chers que les articles originaux qu'ils imitent. Leur discrétion, caractérisée par l'absence de marque ou de logo, attire également les amateurs de plus en plus nombreux de « quiet luxury ». De manière paradoxale, ces produits peuvent être achetés facilement sur des plateformes de commerce en ligne telles qu’Alibaba ou Temu et inquiètent les grandes maisons de luxe qui voient leur chiffre de vente diminuer.

Une zone grise entre contrefaçon et légalité

Si la reproduction non autorisée d’une marque protégée constitue un acte de contrefaçon clair et peut donner lieu à des mesures d’interdiction de commercialisation, l’absence de marque/logo sur les Pingti complexifie leur qualification juridique. En effet, il est difficile de démontrer une atteinte directe à une marque déposée.

Comment les grandes maisons peuvent-elles se protéger contre les Pingti ?

Il existe divers outils pour lutter contre le phénomène des Pingti, les maisons de luxe doivent combiner innovation technologique et marketing et adopter une stratégie juridique multifacettes.

Sur le plan juridique, elles peuvent notamment :

  • renforcer la protection de la forme et l’apparence de leurs créations en déposant des dessins et modèles. Disposer d’un tel droit permet en effet à son titulaire de mettre en œuvre des actions efficaces de lutte contre la contrefaçon. A noter, toutefois, que certains designs de produits sont considérés comme des formes génériques, ne pouvant donc bénéficier d’une protection juridique spécifique ;
  • invoquer la violation de droit d’auteur, si le design est original et peut, par conséquent, être considéré comme une œuvre protégée ;
  • encadrer strictement les relations contractuelles avec les fabricants et fournisseurs en ayant recours à des clauses d’exclusivité et de confidentialité ;
  • protéger les aspects techniques nouveaux de leurs innovations en déposant des brevets ;
  • renforcer la surveillance sur le marché en collaborant avec les autorités douanières afin d’intercepter les produits suspects ;
  • initier des actions sur le terrain de la concurrence déloyale / le parasitisme lorsque les Pingti exploitent leur notoriété.

Ainsi, si les Pingti symbolisent une remise en question des codes du luxe, combinant qualité et accessibilité tout en contournant la qualification de contrefaçon de marque, les maisons de luxe disposent malgré tout d’outils variés leur permettant de se défendre et de parvenir à l’arrêt de la commercialisation des Pingti.

Férielle Metekalerd, Juriste en Propriété Industrielle, Novagraaf, Paris 

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