Des contrefaçons et des dépôts indélicats autour du COVID-19
La période que nous traversons tous nous permet de réinventer nos modes de vie et de travail, ce que n’ont pas manqué de faire non plus les contrefacteurs et certaines personnes, pour ainsi dire, indélicates qui ont effectué dès le mois de février dernier des dépôts de marques autour du COVID-19 et du Coronavirus en France et dans L’Union Européenne.
Nous savons tous que le monde entier traverse une crise sanitaire inédite et globale qui génère des situations tragiques pour les personnes frappées durement par le COVID-19 auxquelles nous pensons en premier lieu. En second lieu, hormis les conséquences dramatiques pour la vie et la santé de nos concitoyens, tous les secteurs de la vie économique sont touchés, dans tous les pays ; ce qui nous rappelle que nous vivons, dans un village planétaire et que, pour reprendre la pensée de Sénèque :
« Nous sommes des vagues de la même mer, des feuilles du même arbre, des fleurs du même jardin ».
Cette période nous permet aussi de réinventer nos modes de vie et de travail, ce que n’ont pas manqué de faire non plus les contrefacteurs et certaines personnes, pour ainsi dire, indélicates qui ont effectué dès le mois de février dernier des dépôts de marques autour du COVID-19 et du Coronavirus en France et dans L’Union Européenne.
Nous avons relevé par exemple au niveau des dépôts de marques françaises et de l’Union Européenne : COVID en classe 13, essentiellement pour des armes à feu, en classe 10 et 25 pour des masques chirurgicaux; vêtements, articles de chapellerie et articles chaussants pour personnel médical et patients, vêtements; chaussures; chapellerie, ou encore , à nouveau pour des vêtements, mais aussi pour des malles et valises ou encore pour des portefeuilles ou des chaussures de sport. L’imagination étant sans limite et la bienséance en quarantaine, il ne fallait pas oublier de déposer CORONAVIRUS, non seulement pour des vêtements, mais aussi pour des cadres et des jeux de carte.
Nul doute que l’INPI et l’EUIPO (respectivement office des marques français et office des marques de l’Union Européenne) mettront leurs vêtements de gardien de l’ordre public et redistribueront les cartes des bonnes mœurs en refusant ces dépôts pour contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Ce type de refus est relativement rare dans le cadre de l’examen des marques, mais est rendu parfois inévitable. Les textes, sans pour autant se faire uniquement censeur et moralisateur, prévoient expressément ceci à l’article L 711-2-8° du Code de la Propriété Intellectuelle et à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (UE) 2017/1001.
Ainsi, il arrive que des demandes de marque pouvant apparaître comme contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs, - notions nécessairement à géométrie variable et liées à un contexte et à une époque-, soient refusées pour ce motifs. Il apparaît ainsi comme un remède pour tenter de calmer les dérives de mauvais goût et pour refréner les appétits opportunistes et mercantiles, pour ne pas dire, de vautour, de certains.
Gageons que nos offices refusent ainsi les dépôts susmentionnés ou les annulent, comme le Tribunal de l’UE, dans l’affaire du 15 mars 2018,( T‑1/17), La Mafia Franchises, SL/ EUIPO – République italienne. Dans cette affaire, le Tribunal avait en effet confirmé l’annulation de la marque ci-dessous :
La marque semi-figurative de l’Union européenne « La Mafia SE SIENTA A LA MESA » enregistrée notamment pour une chaine de restaurants espagnols était ainsi tombée, à la demande de la République Italienne, sous le coup du motif absolu de refus pour contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Le tribunal avait essentiellement relevé, en son point 35. que le terme MAFIA était l’élément dominant de la marque et qu’il faisait directement référence à l’organisation criminelle mondialement connue pour des actes de violences, de meurtres, d’intimidation, de trafics de drogues, d’armes et de blanchiment d’argent et que la marque contrevenait ainsi à l’ordre public ou aux bonnes mœurs .
De la mafia et du crime à la contrefaçon, il n’y a qu’un pas que certains n’ont pas hésité à franchir pour profiter de façon éhontée de la pandémie actuelle qui touche notre planète.
Les contrefaçons de tests, de masques, de gels hydroalcooliques se multiplient pendant que les imitations de médicaments, notamment en ligne, profilèrent toujours et s’adaptent elles aussi au COVID 19.
Le directeur de l’Observatoire de l’EUIPO a récemment publié un message en ce sens et indique que les autorités sont confrontées dans le domaine à une recrudescence de contrefaçons qui peuvent avoir des conséquences graves sur la santé publique. Il rappelle à cet égard l’existence du portail IP Enforcement Portal (IPEP) pour lutter contre ceci afin de conjuguer les efforts des titulaires de droits de marque et de brevets avec ceux des autorités. (https://euipo.europa.eu/ohimportal/en/web/observatory/ip-enforcement-portal-home-page.).
EUROPOL dans son rapport du 27 mars dernier sur « comment les criminels profitent de la pandémie et exploitent le COVID 19 » détaille les impacts sur les droits de propriété intellectuelle en pages 7, 8 et 9 dudit rapport.
Suite à l’opération PANGEA coordonnée par INTERPOL entre le 3 et le 10 mars dernier qui impliquait 90 pays, 34 000 masques ont notamment été saisis ainsi que 4,4 millions de produits pharmaceutiques contrefaits (principalement des antidouleurs, des antibiotiques et de la chloroquine). 2500 sites internet ont été désactivés et 37 organisations criminelles démantelées.
Pour finir, espérons surtout que l’épidémie recule et qu’avec elle les contrefaçons diminuent, ou au moins les dépôts de marques indélicats autour du coronavirus COVID 19, vu que malheureusement les contrefaçons de médicaments et de matériel médical sont une autre sorte de pandémie qui nous rappelle aussi prosaïquement l’importance de la propriété intellectuelle pour nous tous.