La distinctivite : Une course sans fin en plusieurs étapes

Une marque doit être distinctive pour le public pertinent, dont la définition dépend du marché en cause, et partout, comme nous l’indique le Tribunal de L’Union Européenne dans sa décision SPINNING du 8 novembre 2018 (T-718/16). Est-ce la rançon du caractère unitaire de la marque de l’Union Européenne ?

Une marque doit être distinctive en liaison avec les produits et services en cause pour être valable et exercer la fonction essentielle de la marque : permettre au public de connaître l’origine des produits et services marqués et l’aider à réitérer le choix d’achat si celui-ci était positif ou lui éviter ledit choix si ce dernier était négatif. Rien de révolutionnaire, ni de surprenant : Première étape : distinctivité au départ. Deuxième étape et toujours pas de révolution : distinctivité à l’arrivée. La marque doit demeurer distinctive et ne pas devenir, du fait de l’inaction de son titulaire, la désignation usuelle du produit ou du service concerné. Rançon du succès ou chant du cygne : la marque qui plaît trop va s’éteindre : distinctivité toujours, sous peine de déchéance pour dégénérescence. Troisième étape : distinctivité pour tous et partout : la marque doit être distinctive pour le public pertinent, dont la définition dépend du marché en cause, et partout, comme nous l’indique le Tribunal de L’Union Européenne dans sa décision SPINNING du 8 novembre 2018 (T-718/16). Entreprise ardue et de longue haleine pour les titulaires de marques de l’Union Européenne qui se doivent d’être vigilants sur tout le territoire de l’Union Européenne. Est-ce la rançon du caractère unitaire de la marque de l’Union Européenne ?

La réponse peut paraître positive et la sanction sévère dans la mesure où la déchéance pour dégénérescence peut être prononcée, même si la marque est devenue une désignation usuelle du produit ou service concerné uniquement dans un seul Etat membre. La sanction peut sembler certes forte, mais reste logique et s’explique par le caractère unitaire de la marque de l’Union Européenne mentionné dans l’actuel considérant 4 et à l’actuel article 1er paragraphe 2 du Règlement 2017/2001 sur les marques  européennes :  

« Pour poursuivre les objectifs précités de l'Union, il apparaît nécessaire de prévoir un régime de marques de l'Union conférant aux entreprises le droit d'acquérir, selon une procédure unique, des marques de l'Union européenne qui jouissent d'une protection uniforme et produisent leurs effets sur tout le territoire de l'Union. Le principe du caractère unitaire de la marque de l'Union européenne ainsi exprimé devrait s'appliquer sauf disposition contraire du présent règlement »( considérant 4)

La marque de l'Union européenne a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l'ensemble de l'Union: elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l'objet d'une renonciation, d'une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l'ensemble de l'Union. Ce principe s'applique sauf disposition contraire du présent règlement (Article 1er paragraphe 2) »

En l’espèce, dans l’affaire SPINNING, une société , titulaire de la marque verbale de l’Union européenne SPINNING, enregistrée en 2000, pour viser des « cassettes audio et vidéo »( classe 9), des « équipements d’exercice »( classe 28) et des services d’« entraînement physique »( classe 41) est victime ,devant l ’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), d’une demande de déchéance de ses droits sur la marque précitée en ce que celle-ci serait devenue la désignation usuelle des produits « équipements d’exercice » et des services « entraînement physique ».

L’EUIPO a ensuite déclaré la titulaire déchue de ses droits liés à la marque SPINNING pour les produits et services précités relevant des classes 28 et 41. Pour ce faire,  l’EUIPO a notamment noté que le terme « spinning » était devenu, en République tchèque, la désignation usuelle d’un type d’« entraînement physique », à savoir celui pratiqué sur des vélos d’intérieur, ainsi que d’« équipements d’exercice » utilisés pour cet entraînement, à savoir les vélos d’intérieur selon une certaine méthode, si bien que le droit de son utilisation exclusive en tant que marque de l’Union ne pouvait plus être octroyé aux opérateurs économiques.

Le titulaire de la marque SPINNING, ne perd pas les pédales et introduit, devant le Tribunal de l’Union européenne, un recours en annulation à l’encontre de la décision de l’EUIPO. Il sollicite l’annulation de la décision prononçant la déchéance pour dégénérescence de sa marque SPINNING, essentiellement en arguant que le territoire pertinent à prendre en compte ne serait pas la totalité de l’Union Européenne, malgré le caractère unitaire de la marque de l’Union Européenne, et que le public pertinent par rapport auquel la déchéance doit être appréciée serait défini de façon erronée (la décision avait considéré ,dans le cadre de son appréciation, uniquement les consommateurs finaux des produits et services concernés).

Et la marque est sauvée par son public ! En effet, le Tribunal annule la décision prononçant la déchéance de SPINNING pour les produits susmentionnés relevant des classes 28 et 41 en ce qu’elle a considéré que le public pertinent à prendre en considération pour l’appréciation de la cause de déchéance n’était composé que des utilisateurs finaux des « équipements d’exercice », à l’exclusion des clients professionnels, alors qu’il a été démontré que le plus souvent les produits en cause sont achetés par des professionnels qui mettent ensuite les vélos à disposition de leurs clients afin qu’ils pratiquent une activité sportive que lesdits professionnels leur proposent dans le cadre de la fourniture du service d’entrainement.

Comme précisé précédemment, le Tribunal considère aussi cependant et logiquement, que s’il est démontré qu’une marque de l’Union a perdu tout caractère distinctif dans une partie du territoire de l’Union, qui peut être un seul État membre-en l’espèce la République Tchèque, la déchéance peut être prononcée dans toute l’Union. Il suffit donc que la marque soit devenue la désignation usuelle des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée, même dans un seul État membre, pour que la déchéance des droits de son titulaire soit prononcée pour l’ensemble de l’Union.

La marque SPINNING pourrait ainsi être en sursis et son titulaire devrait redoubler d’efforts sur tout le territoire de l’Union Européenne. Ne lui demande-t-on pas de ce fait de pédaler dans la choucroute ?...

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