Résolution des litiges relatifs aux noms de domaine au-delà des principes UDRP : quelles sont les autres procédures ?

De l'URS à l'UKDRS, il existe plusieurs procédures de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine, en fonction du domaine de premier niveau concerné. Marc-Emmanuel Mellet présente les différentes procédures et explique quand elles s'appliquent.
Quels sont les propositions faites en vue d’améliorer la procédure UDRP :
1. Extension du champ d'application de la procédure UDRP à d'autres droits que les seules marques
Actuellement, la procédure UDRP est principalement conçue pour traiter les litiges relatifs aux noms de domaine en lien avec des marques déposées (consulter notre guide de gestion des litiges UDRP), Certaines propositions suggèrent d'étendre cette procédure à d'autres types de droits de propriété intellectuelle, tels que les droits d'auteur ou les indications géographiques, ou encore un nom commercial. Cependant, une telle extension pourrait complexifier la procédure et nécessiter des ajustements significatifs pour prendre en compte les spécificités de ces autres droits.
2. Prévoir un mécanisme d’appel
La mise en place d'un mécanisme d'appel interne aux centres administrant les procédures UDRP a été proposée. Actuellement, les décisions rendues dans le cadre de l'UDRP sont définitives, sauf si l'une des parties engage une procédure judiciaire. Un mécanisme d'appel offrirait une voie supplémentaire pour contester une décision sans recourir aux tribunaux, mais pourrait également allonger la durée et augmenter les coûts de la procédure.
3. Double critère d’enregistrement et d’usage de mauvaise foi
La procédure UDRP exige actuellement que le requérant prouve que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Certaines propositions visent à modifier cette exigence en ne requérant que l'un des deux critères, c'est-à-dire soit l'enregistrement, soit l'utilisation de mauvaise foi. Cette modification pourrait faciliter la tâche des requérants, mais pourrait également soulever des préoccupations concernant les droits des détenteurs de noms de domaine.
4. Ajustement tarifaire
Des ajustements tarifaires pourraient être envisagés pour rendre la procédure plus accessible, notamment pour les petites entreprises ou les particuliers. Toutefois, il est essentiel de trouver un équilibre afin de garantir la qualité et l'efficacité de la procédure.
5. Introduction de sanctions financières contre les défendeurs reconnus coupables de cybersquattage
L'idée d'introduire des sanctions financières contre les défendeurs reconnus coupables de cybersquattage vise à renforcer l'effet dissuasif de la procédure UDRP. Cependant, l'introduction de telles sanctions pourrait complexifier le processus, nécessiter des mécanismes supplémentaires pour l'évaluation et la perception des amendes, et soulever des questions juridiques concernant la compétence et l'exécution. Ces propositions de réforme reflètent le besoin d'adapter la procédure UDRP aux évolutions du paysage numérique et aux défis actuels en matière de protection des droits de propriété intellectuelle. Toute modification devra être soigneusement évaluée pour équilibrer les intérêts des titulaires de droits et des détenteurs de noms de domaine, tout en préservant l'efficacité et l'équité de la procédure.
Il existe plusieurs procédures alternatives à l'UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy) pour résoudre les litiges relatifs aux noms de domaine, adaptées aux extensions locales (ccTLDs) ou à des contextes spécifiques. Ces mécanismes offrent des solutions rapides et économiques pour les titulaires de marques confrontés à des enregistrements abusifs ou frauduleux de noms de domaine. Parmi elles, on trouve les procédures de l'OMPI pour les ccTLDs, l'URS (Uniform Rapid Suspension) pour les nouveaux gTLDs, ainsi que des procédures locales comme le UKDRS au Royaume-Uni, la Syreli en France, ou encore des alternatives régionales en Europe (.EU ADR), au Canada (.CA), en Inde (.IN), à Hong Kong (.HK) et en Chine (.CN). Chaque système présente des particularités adaptées à son marché local, tout en partageant certains principes avec l'UDRP :
Règlement des litiges relatifs au CCTLD de l'OMPI
Certains pays ont adopté des procédures spécifiques administrées par l'ompi (organisation mondiale de la propriété intellectuelle), basées sur l'UDRP mais adaptées aux extensions locales (cctlds). Par exemple :
- .MX (Mexique)
- .CO (Colombie)
- .TV (Tuvalu, souvent utilisé pour la vidéo et le streaming)
- .ME (Montenegro, souvent utilisé comme nom de marque personnelle)
L'URS : une procédure accélérée pour les litiges évidents
L'uniform rapid suspension (URS) a été instaurée par l'icann en 2013 pour compléter l'UDRP. Elle est conçue pour les cas évidents de cybersquatting sur les nouvelles extensions génériques de domaine (new gtlds).
Quelles sont les différences avec l'UDRP ?
- Procédure plus rapide : décision rendue sous quelques jours (généralement 14 jours).
- Seuil de preuve plus élevé : le plaignant doit démontrer clairement et de manière indiscutable que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.
- Sanction limitée: contrairement À l'UDRP, l'URS ne permet pas le transfert du nom de domaine au plaignant, mais uniquement sa suspension jusqu'à son expiration.
L'URS est donc une alternative utile pour les titulaires de marques souhaitant rapidement bloquer un nom de domaine frauduleux, sans engager une procédure plus lourde comme l'UDRP.
La procédure de règlement des litiges sur les noms de domaine au Royaume-uni : UKDRS
- Qu’est-ce que l’UK DRS ?
Le UK DRS (dispute resolution service) est une alternative à l'UDRP, adaptée aux particularités du marché britannique des noms de domaine. Il permet aux titulaires de marques ou aux personnes lésées par l'enregistrement d'un nom de domaine en .Uk d'engager une procédure rapide et économique pour récupérer le domaine ou obtenir sa suppression.
Contrairement à l'UDRP, cette procédure offre une phase de médiation gratuite, ce qui permet souvent de résoudre le différend sans passer par un arbitrage formel.
- Quelles sont les conditions pour déposer une plainte ?
Pour qu'un plaignant puisse obtenir gain de cause, il doit prouver deux éléments essentiels :
- Le nom de domaine est identique ou similaire à un droit qu'il détient (ex. : Une marque déposée, un nom de domaine, etc.).
- L'enregistrement ou l'usage du nom de domaine est abusif, c'est-à-dire qu'il a été acquis dans le but d'exploiter la réputation du plaignant de manière illégitime.
À noter que l'absence d'intérêt légitime n'est pas une condition obligatoire, contrairement à l'UDRP.
- Comment se déroule la procédure UKDRS ?
a) Phase de médiation (gratuite): Une fois la plainte déposée, Le centre contacte le titulaire du nom de domaine. Une médiation gratuite est proposée afin de tenter de trouver un accord amiable. Cette étape dure environ 10 jours ouvrables et permet de résoudre un grand nombre de litiges sans intervention d'un expert.
b) Phase d'arbitrage (payante): Si la médiation échoue, le plaignant peut demander un examen par un expert indépendant, moyennant des frais (généralement 750 £ pour une procédure standard). L'expert analyse le dossier et rend une décision sous 30 jours. La décision peut aboutir à un transfert ou à une suppression du nom de domaine.
c) Possibilité d'appel: Si l'une des parties n'est pas satisfaite de la décision, elle peut demander un réexamen par un panel de trois experts, moyennant des frais plus élevés (3 000 £).
La procédure Syreli : résolution des litiges sur les noms de domaine en .Fr
La procédure Syreli est un mécanisme de règlement des litiges concernant les noms de domaine sous l'extension .Fr (et certaines autres extensions territoriales françaises). Elle a été mise en place en 2011 par l'Afnic (association française pour le nommage internet en coopération), l'organisme gestionnaire des noms de domaine en france.
Quelles sont les extensions concernées ?
- .FR(France)
- .RE (La Réunion Island)
- .PM (Saint-Pierre et Miquelon)
- .TF (Terres australes et antarctiques françaises)
- .WF (Wallis-et-futuna)
- .YT (Mayotte)
Le recours à Syreli est ouvert à toute personne ou entreprise qui estime qu'un nom de domaine a été enregistré de manière abusive.
- Quelles sont les conditions requises pour déposer une plainte ?
Le titulaire de droit doit prouver les critères suivants :
- Une atteinte aux droits invoqués par le requérant (ex. Marque, nom commercial, raison sociale, dénomination sociale, nom de famille, etc.).
- Une absence d’intérêt légitime ou de la mauvaise foi du titulaire.
Difference avec l'UDRP
Contrairement à l'UDRP, Syreli ne nécessite pas de prouver la mauvaise foi du titulaire du domaine. L'absence d'un droit légitime peut suffire pour obtenir la suppression ou le transfert du domaine.
- Comment se déroule la procédure Syreli ?
a) Dépôt de la plainte: La plainte est déposée via le site de l'Afnic. Le plaignant doit payer des frais de dossier : 250 € HT. La plainte est transmise au titulaire du nom de domaine, qui a 21 jours pour répondre.
b) Examen par l'Afnic: Un comité interne de l'Afnic analyse la demande. Il rend sa décision sous 2 mois maximum après réception de la plainte.
c) Décision possible: Transfert du nom de domaine au plaignant. Suppression du nom de domaine. Rejet de la plainte si les conditions ne sont pas remplies.
d) Recours possible: Le défendeur ou le plaignant insatisfait peut saisir un tribunal compétent.
- Quels sont les avantages et limites de la procédure Syreli ?
Avantages:
- Procédure rapide (décision sous 2 mois).
- Moins coûteuse que l'UDRP
- Pas besoin de prouver la mauvaise foi pour l’enregistrement et l’usage du nom de domaine (contrairement À l'UDRP).
Limites:
- Pas de recours interne, seul un tribunal peut contester une décision.
- Limité aux noms de domaine gérés par l'Afnic (pas de gtld comme .Com, .Net, etc.).
La procédure PARL EXPERT, une autre procédure pour les noms de domaine en .fr
Cette procédure est administrée conjointement par l’Afnic et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
- Comment se déroule la procédure ?
a) Introduction de la plainte : Le demandeur doit déposer une plainte auprès de l’OMPI via un formulaire spécifique. Il doit fournir des preuves démontrant que le nom de domaine litigieux viole ses droits.
b) Désignation de l’expert: Contrairement à la procédure SYRELI, où la décision est prise en interne par l’Afnic, PARL EXPERT fait intervenir un expert indépendant désigné par l’OMPI. Cet expert est chargé d’analyser le litige et de rendre une décision impartiale.
c) Analyse du dossier et décision: L’expert examine les éléments fournis par le demandeur et le titulaire du nom de domaine avant de rendre une décision qui peut aboutir à :
- La suppression du nom de domaine
- Son transfert au demandeur
- Le rejet de la plainte si les critères ne sont pas remplis
La procédure dure en moyenne 60 jours.
- Quels sont les recours contre la décision
Les décisions rendues dans le cadre de PARL EXPERT ne peuvent pas faire l’objet d’un appel interne. Toutefois, les parties disposent d’un recours devant les tribunaux si elles souhaitent contester la décision.
Alternatives régionales
Europe: .EU ADR La procédure pour les noms de domaine en .eu
L’ADR pour les .eu est administrée par le Centre d’Arbitrage et de Médiation de Prague (CAC). Elle permet aux titulaires de marques, aux entreprises et aux particuliers de contester des noms de domaine enregistrés sous l’extension .eu de manière rapide et économique.
Quelles sont les caractéristiques ?
- Basée sur des principes similaires à l’UDRP : les critères d’éligibilité incluent l’enregistrement abusif et l’usage de mauvaise foi.
- Langues multiples : Possibilité de déposer une plainte en plusieurs langues officielles de l’Union européenne, ce qui facilite l’accès aux demandeurs non anglophones.
- Coût variable : Les frais de procédure dépendent du nombre de noms de domaine contestés et du nombre d’experts désignés (un ou trois). Le coût commence à environ 1 300 € pour une procédure avec un expert unique.
- Délai de décision rapide : Généralement, la décision est rendue sous 60 jours.
- Mise en œuvre immédiate : Si le défendeur ne conteste pas la décision devant un tribunal dans le délai imparti, le transfert ou la suppression du nom de domaine est appliqué directement.
- Évaluation par des experts spécialisés : La décision est rendue par un panel d'experts en propriété intellectuelle et en droit des noms de domaine.
Canada: .CA PARL (procédure alternative de résolution des litiges)
Gérée par l'autorité canadienne pour les enregistrements internet (CIRA), la PARL s'applique aux noms de domaine en .Ca.
Quelles sont les principales caractéristiques ?
- Le plaignant doit prouver l'enregistrement de mauvaise foi et l'absence d'intérêt légitime du défendeur.
- Il doit également démontrer que le défendeur n'a pas d'intérêt légitime et que le domaine cause un préjudice.
- Décision rendue sous environ 60 jours.
- Sanction possible : transfert ou suppression du domaine.
- Réservée aux canadiens ou aux entreprises ayant des liens avec le Canada.
Inde : .IN DRP (dispute resolution procedure)
La procédure DRP (dispute resolution policy) concerne les noms de domaine en .In et est administrée par le national internet exchange of India (NIXI).
Quelles sont les principales caractéristiques ?
- Très proche de l'UDRP : il faut prouver l'enregistrement de mauvaise foi et l'absence de droit légitime.
- Le panel peut ordonner le transfert ou la suppression du domaine.
- Aucun recours interne n'est prévu, le défendeur doit aller en justice s'il conteste la décision.
Hong Kong: .HK - HKIAC DNDRP
La domain name dispute resolution policy (DNDRP) s'applique aux noms de domaine en .Hk et est administrée par le hong kong international arbitration centre (HKIAC).
Quelles sont les principales caractéristiques ?
- Inspirée de l'UDRP, mais avec des délais plus courts.
- Permet le transfert ou la suppression du nom de domaine.
- La mauvaise foi est essentielle pour obtenir gain de cause.
Chine : .CN CNDRP
La china internet network information center (CNNIC) administre la CNDRP (china domain name dispute resolution policy), qui concerne les noms de domaine en .Cn.
Quelles sont les principales caractéristiques ?
- Prend en compte les marques enregistrées en chine.
- Délais courts, généralement moins de 60 jours.
Quel mécanisme de résolution des litiges en matière de noms de domaine devez-vous utiliser ?
Les alternatives à l'UDRP offrent une variété de solutions adaptées aux spécificités locales et aux besoins des titulaires de marques confrontés à des litiges de noms de domaine. Qu'il s'agisse de procédures rapides comme l'URS pour les nouveaux gTLDs, de solutions locales telles que le UKDRS ou Syreli, ou encore de mécanismes régionaux comme le .EU ADR, chaque système présente des avantages en termes de rapidité, de coût et de flexibilité.
Le choix de la procédure dépendra de l'extension concernée, de la juridiction applicable et de la stratégie souhaitée (suspension rapide, transfert de domaine, ou simple suppression). Face à un environnement numérique en constante évolution, ces mécanismes constituent des outils indispensables pour protéger les droits des marques tout en favorisant un usage légitime des noms de domaine à l'échelle mondiale.
Pour en savoir plus sur les mécanismes de résolution des litiges liés aux noms de domaine, regardez notre récent webinaire sur la gestion de portefeuille de noms de domaine et la résolution des litiges, consulter notre guide sur la procédure UDRP, ou contactez-nous ci-dessous.
Marc-Emmanuel Mellet est Conseil en Propriété Industrielle, spécialisé dans l’accompagnement des titulaires de marques sur les questions de noms de domaine et de lutte contre les atteintes en ligne.
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