Satisfaits ou remboursés : demandez à l'INPI d'ordonner un remboursement dans certaines procédures

Par Novagraaf Team,

Le 9 décembre 2019, le législateur nous offrait le décret d’application no 2019-1316 permettant l’entrée en vigueur, dès le lendemain, du fameux « Paquet Marques » qui a apporté certains changements à notre législation et également, voire surtout, codifié des pratiques jurisprudentielles constantes, issues pour beaucoup de la jurisprudence européenne.

L‘un des changements essentiels et importants fut la mise en place de nouvelles procédures administratives devant l’INPI pour des actions auparavant réservées aux Tribunaux, comme la déchéance pour non –usage des marques, la nullité de ces dernières pour des motifs relatifs du type atteinte à une marque antérieure, ou la nullité pour des motifs absolus, comme par exemple l’atteinte aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.

En aparté à ce sujet, l’INPI a rendu, en novembre dernier- après une entrée en vigueur des procédures en nullité de marque avec la loi PACTE seulement 1er avril 2020- l’une des premières décisions statuant sur des demandes en nullité de marque. L’INPI a ainsi annulé la marque GANG BANG A PARIS enregistrée en classes 25, 35 et 41 pour contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs et usage légalement interdit.

Près d’un an après le premier décret de décembre 2019, un décret du 4 décembre 2020 est venu compléter le système des nouvelles procédures administratives auprès de l’INPI. Il était annoncé par le nouvel article L. 716-1-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) qui précise :

 « Sur demande de la partie gagnante, le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle met à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par l’autre partie dans la limite d’un barème fixé par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle ».

Les cinq articles de l’arrêté du 4 décembre 2020 règlent ainsi la question de la répartition des frais qui pourraient être mis à la charge de la partie perdante par le Directeur de l’INPI si une demande en ce sens est présentée par la partie gagnante.

Il s’agit ainsi de l’arrêté dit relatif à la répartition des frais exposés au cours d’une procédure d’opposition à un brevet d’invention ou de nullité ou déchéance de marque. Il viserait à tenter de limiter les actions abusives ou dilatoires ; objectif qui pourrait cependant être mis quelque peu à mal par le montant assez peu élevé du remboursement des frais pouvant être obtenu.

L’arrêté prévoit que : « le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Il est applicable aux procédures en cours ».

Il sera donc statué sur la répartition des frais dans les procédures dans lesquelles une demande a été présentée, y compris dans les procédures en cours au jour de l’entrée en vigueur de l’arrêté, soit le 7 décembre 2020. En cas de procédure pendante, vous pourriez ainsi éventuellement pouvoir déposer une demande de remboursement de tout ou partie de vos frais. En tous les cas, il faudra y songer pour les procédures à venir.

Seule la partie gagnante peut déposer une telle demande auprès du Directeur de l’INPI en respectant le principe du contradictoire, étant entendu que la demande doit être expresse et que la partie peut détailler les frais qu’elle a exposés au cours de la procédure. Ladite demande doit être déposée au plus tard à la date de fin de la phase d’instruction définie à l’article R. 716-8 CPI, c’est-à-dire selon l’espèce :

  • lors de la demande en nullité ou en déchéance,
  • à l’occasion de l’un des échanges écrits prévus à l’article R. 716-6 CPI,
  • lors de la phase orale (sous réserve de la présence de l’autre partie à la procédure).

Au sens de l’article L. 716-1-1 CPI, est considéré comme partie gagnante :

  • Le titulaire de la marque contestée dans le cas où il est fait droit à l’irrecevabilité qu’il avait soulevée ;
  • Le titulaire de la marque contestée dont l’enregistrement n’a pas été modifié par la décision de nullité ou de déchéance ;
  • Le demandeur quand il est fait droit à sa demande pour l’intégralité des produits ou services visés initialement dans sa demande en nullité ou déchéance.

Le Directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle dans la limite d’un barème fixé par notre arrêté du 4 décembre 2020, peut ainsi mettre, par la voie d’une décision qui vaudra titre exécutoire, à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par l’autre partie sur demande expresse de cette dernière. Il ne s’agit donc d’une répartition ni automatique, ni de droit et les montants sont plafonnés.

Passé les questions et détails de procédures, il importe de savoir à présent quel est le risque financier encouru en cas de défaillance dans le cadre d’une action administrative en matière de marque devant l’INPI. (N.B le système s’applique aussi aux procédures d’opposition en matière de brevets).

Le barème prévu par l’arrêté détermine ainsi comme suit « les montants maximaux » des frais mis à la charge des parties :

Force est de relever par conséquent que le montant éventuellement à rembourser reste raisonnable. S’il pourra quand même freiner certaines demandes totalement abusives, il ne devrait pas dissuader de l’engagement d’actions administratives, même pour les cas où une issue favorable ne peut être garantie à 100%. Le système est ainsi de ce point de vue-là, plutôt satisfaisant et équilibré.

De plus, le Directeur général de l’INPI pourra mettre à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par la partie gagnante, en prenant en considération les circonstances propres à chaque procédure, telles que (liste non exhaustive) :

  • le nombre d’échanges entre les parties
  • la situation économique de la partie perdante
  • la mauvaise foi de la partie perdante

Restera ensuite à voir en pratique quels documents seront exigés par le Directeur de l’INPI. Il ne sera peut-être pas très formaliste sur ce sujet en raison des montants en jeu assez peu importants et éventuellement aussi à l’instar des exemples fournis par l’Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

En effet à l’EUIPO, la partie gagnante dans une procédure peut, depuis plus de 20 ans, obtenir la prise en charge de tout ou d’une partie de ses frais par la partie perdante, qu’il s’agisse d’oppositions ou d’actions administrative en nullité. Un nouvel exemple, si pour autant le besoin s’en faisait encore ressentir, de l’influence manifeste et indéniable du droit européen des marques sur le droit des marques français. Décidément ; la transposition de la Directive 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015, semble encore, évidemment dans les textes, mais aussi dans l’esprit, plutôt fidèle, pour ne pas dire extrêmement fidèle.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à nous envoyer un mail à tm.fr@novagraaf.com.

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