Dépôt de brevet aux U.S. : Attention au droit de priorité !
La propriété intellectuelle constitue un actif précieux qui peut favoriser l'expansion de votre entreprise à l'étranger. L’Europe et les États-Unis comptent parmi les partenaires commerciaux les plus importants au monde. Pour la plupart des entreprises, la protection de leurs innovations brevetables sur ces deux seuls marchés est souvent la fondation de leur portefeuille de brevets.
Toutefois, un premier dépôt de brevet aux Etats-Unis peut être source d’écueils importants si une protection en Europe est également souhaitée. C’est une question importante qui requiert la plus grande vigilance.
Sauf dispositions contractuelles contraires, les titulaires de la demande de brevet U.S. sont les inventeurs. En effet, contrairement à d'autres pays, il n’y a pas de disposition légale aux États-Unis selon laquelle un employeur doit être propriétaire des innovations d'un inventeur salarié.
En revanche, la demande ultérieure, par exemple européenne ou PCT, est déposée au nom de l’employeur.
Cette disparité de titulaires entre une demande de brevet U.S. prioritaire et la demande de brevet ultérieure qui en revendique la priorité peut être problématique en Europe. En effet, la revendication de priorité de la demande de brevet ultérieure peut être challengée en opposition par exemple. Cette situation peut conduire à l’invalidation de la revendication de priorité si la titularité du droit de priorité ne peut pas être démontrée de manière probante. La perte d'une revendication de priorité génère le risque très réel de révocation du brevet en raison d’un art antérieur publié entre le dépôt de la demande de brevet prioritaire U.S. et celui de la demande ultérieure (par exemple un article des inventeurs publiant leurs travaux sur l’invention).
Même si l’America Invents Act (« AIA ») prévoit que les demandes de brevet U.S. puissent être désormais déposées en désignant les employeurs comme déposants/titulaires, en droit américain, les inventeurs désignés sur une demande de brevet américain sont présumés être propriétaires de l’invention, sauf dispositions contractuelles contraires (par exemple contrat de travail ou « Assignment »). En l’absence d’une cession spécifique (« Assignment ») signée par les inventeurs, il revient à l’employeur de prouver qu’il est bien titulaire des droits sur l’invention qui fait l’objet de la demande de brevet prioritaire américaine et du droit de priorité.
C’est pourquoi, pour tout premier dépôt de brevet aux U.S. (demande de brevet provisoire ou régulière), il est généralement préférable de faire signer aux inventeurs une cession (« Assignment ») peu après le dépôt, et en tout état de cause avant le dépôt de la demande de brevet ultérieure (p.ex. PCT ou EP) revendiquant la priorité de la demande de brevet américaine. L’idéal est que le document de cession mentionne la cession des droits des inventeurs à l’invention objet de la demande de brevet U.S. prioritaire, ainsi que la cession du droit de priorité (qui est un droit distinct du droit à l’invention), à leur employeur/institution de tutelle.
C’est une précaution simple et peu coûteuse qui peut éviter de devoir entrer dans des débats compliqués en Europe (si la revendication de priorité est challengée par un tiers en opposition par exemple), et qui permet de sécuriser la revendication de priorité dans le cas d’un premier dépôt de brevet aux Etats-Unis.
En résumé, notre conseil pour tout premier dépôt aux U.S. générant un droit de priorité :
- faire signer à vos inventeurs un « Assignment » spécifique (renseignant a minima le N° de la demande de brevet U.S., sa date de dépôt et son titre) cédant leurs droits à l’invention et le droit de priorité, à leur employeur/institution de tutelle
- enregistrer le/les Assignment(s) à l’USPTO (généralement, un « Assignment » par employeur/institution de tutelle)
le tout, avant le dépôt de la demande de brevet subséquente (p.ex. PCT ou dépôt de brevet EP direct) revendiquant la priorité de la demande de brevet américaine.
Il est plus prudent de demander également à vos éventuels partenaires/institutions avec qui vous déposez des premières demandes de brevet U.S. de prendre cette même précaution, que ces partenaires/institutions soient américains ou non.
Bien entendu, pour les entreprises ou ressortissants français, en cas de premier dépôt de brevet à l’étranger, il convient également de considérer la question de l’intérêt que pourrait présenter l’invention pour la défense ou la sécurité nationale, et de l’atteinte « aux intérêts fondamentaux de la nation », et en cas de doute de demander une autorisation préalable de premier dépôt de brevet à l’étranger auprès de la Direction Générale de l’Armement.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à envoyer un mail à pat.fr@novagraaf.com.
Nadège Lagneau, Conseil en Propriété Industrielle – Brevets, Novagraaf, Suisse