Check-In refusé pour easyCourier

By Jeanne Bosson,
vol d'avion easyjet

Le 11 janvier 2023, l’EUIPO a prononcé un refus contre la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne "easyCourier" déposée par la société easyGroup Ltd, titulaire des marques "easy", pour désigner divers services de transport, d'affrètement et de réservation de voyages en classe 39. La société easyGroup a alors tenté, de démontrer la distinctivité intrinsèque de ce signe, et a demandé à ce que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage soit examinée à titre subsidiaire. Jeanne Bosson revient sur cette affaire.

La société easyGroup Ltd, titulaire des marques easy (à gauche) a déposé, le 25 novembre 2022, la demande de marque de l’Union européenne easyCourier (à droite) pour désigner divers services de transport, d'affrètement et de réservation de voyages en classe 39.

marque easy marque easyCourier

Le 11 janvier 2023, l’EUIPO a prononcé un refus contre l’enregistrement de cette marque, estimant que le signe "easyCourier" est descriptif et inapte à identifier une origine économique puisque les consommateurs le percevront comme indiquant que « les services sont fournis par un coursier, une personne qui organise ou accompagne un groupe de voyageurs lors d'un voyage ou d'une excursion, et qu'ils sont simples à utiliser ». L’EUIPO a, en outre, considéré que les éléments figuratifs du signe sont si négligeables qu’ils ne suffisent pas à le rendre distinctif.

Arguments du demandeur

La société easyGroup Ltd a tenté de surmonter ce refus en soutenant que la marque "easyCourier" dispose d’une distinctivité intrinsèque, notamment en raison des éléments suivants :

  • La combinaison du terme « easy » à un autre élément verbal, la police utilisée et le rectangle orange seront reconnus par les consommateurs qui associeront le signe "easyCourier" à la famille de marques « easy ».
  • Le signe "easyCourier" est un logo et sera, de ce fait, nécessairement perçu par le consommateur comme l’indicateur d’une origine commerciale et non comme une indication descriptive des services rendus.
  • Le rapprochement des termes « easy » et « courier » crée un néologisme inhabituel. Sa combinaison avec les éléments figuratifs et la lettre majuscule « C » rend le signe distinctif.
  • Il n’y a pas de lien direct entre les services visés et le signe "easyCourier", un effort intellectuel est nécessaire pour arriver à ce lien.

Confirmation du refus

Dans sa décision du 23 août 2023, l’EUIPO confirme le refus émis et rappelle en premier lieu que l’examen de la distinctivité intrinsèque d’une marque s’effectue sans tenir compte de l’usage effectué ou des potentielles marques antérieures similaires enregistrées.

L’EUIPO réitère ensuite son argument selon lequel les éléments verbaux et figuratifs du signe "easyCourier" sont communs. En effet, le nom "easyCourier" pour des services de transport, d'affrètement et de réservation de voyages est jugé banal. L’EUIPO considère en outre que ce nom ne fait qu’indiquer le type de services et l’usage auxquels ils sont destinés, et qu’il transmet même un message promotionnel élogieux selon lequel les services proposés sont faciles à utiliser.

Par ailleurs, les éléments figuratifs du signe ne permettent pas non plus de le rendre distinctif compte tenu de leur simplicité. L’EUIPO considère même, au contraire, que ces éléments figuratifs confèrent au signe l’impression d’un label publicitaire.

L’EUIPO estime enfin que les consommateurs anglophones effectueront un lien immédiat entre le signe et les services en cause. En effet, les consommateurs comprendront immédiatement que les services sont fournis par un coursier (une personne qui organise ou accompagne un groupe de voyageurs lors d'un voyage ou d'un circuit) et qu'ils sont simples à utiliser.

L’EUIPO confirme ainsi son refus, qui s’inscrit dans la lignée des multiples décisions précédemment rendues contre les marques « easy » (à titre d’exemple, la décision d’annulation rendue contre la marque "easyTaxi" n°005112115 ou encore le rejet des marques "easyCleaning" n°018799988 et "easyCharging" n°018784137).

easyTaxi easyCleaning easyCharging

Caractère subsidiaire de la revendication sur l’acquisition du caractère distinctif par l’usage

Il est intéressant de souligner que la société easyGroup a demandé à ce que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque "easyCourier" soit examinée à titre subsidiaire.

Dans ce cadre, les lignes directrices de l’EUIPO indiquent qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du REMUE, « la demande peut inclure la revendication que le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du RMUE, ainsi qu’une indication du caractère principal ou subsidiaire de cette revendication. »

En effet, la nouvelle option proposée depuis la réforme législative de la marque de l’Union européenne, consistant à revendiquer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage à titre subsidiaire, est subordonnée à ce qu’une décision sur le caractère distinctif intrinsèque du signe soit rendue. Ainsi, dans cette configuration, l’Office rend deux décisions distinctes à des moments distincts : d’abord une décision relative au caractère distinctif intrinsèque de la marque, ensuite une décision relative à l’acquisition du caractère distinctif par l’usage (dans le cas où l’Office aurait conclu à l’absence de distinctivité intrinsèque de la marque).

Cette nouveauté procédurale est appréciable puisqu’elle permet en pratique d’une part de disposer d’un délai supplémentaire pour collecter et rassembler des éléments de preuves attestant de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage ou, a contrario, d’en faire l’économie si la distinctivité intrinsèque du signe est reconnue.

En l’espèce, l’EUIPO a bien précisé qu’une fois la décision de refus devenue définitive, la procédure reprendrait et porterait sur l’examen de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage. 

Acquisition du caractère distinctif par l’usage de la famille de marque ?

Puisque la marque "easyCourier" ne semble pas être utilisée à ce jour, la question qui se pose est de savoir si l’usage existant de la famille de marques « easy » conférerait au signe "easyCourier" un caractère distinctif.

En effet, dans le cadre d’un litige, l’appréciation d’un risque de confusion peut être influencée par l’existence d’une famille de marque. Dans ce contexte, il est prévu que l’ « hypothèse de famille de marques exige que le dénominateur commun de la demande contestée et de la famille de marques antérieure possède, par nature ou par l’usage, un caractère distinctif qui permet une association directe entre tous ces signes. »

En transposant ce raisonnement au présent refus, il semble assez probable que le consommateur qui sera confronté à la marque "easyCourier" pour des services de transport, d'affrètement et de réservation de voyages, effectuera une association avec les marques du groupe easyGroup Ltd qui partagent le même dénominateur commun, lequel semble se composer des éléments suivants :

  • le terme d’attaque « easy » inscrit en lettres minuscules
  • la couleur blanche et la police d’écriture Cooper Black des éléments verbaux
  • le fond rectangulaire orange

Néanmoins, la notion d’usage d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 3, du RMUE exige que cet usage concerne la forme sous laquelle la marque a été déposée, ou des formes globalement équivalentes qui ne diffèrent que par des variations négligeables (19/06/2019, T‑307/17, DEVICE OF THREE PARALLEL STRIPES (fig.), EU:T:2019:427, § 62).

En transposant ce raisonnement au cas d’espèce, il est à craindre que des marques comme "easyGroup" ou "easyJet" soient jugées trop éloignées de la marque "easyCourier" pour que leur usage puisse conférer à cette dernière un caractère distinctif.

easyGroup easyJet easyCourier

La Cour de Justice a toutefois reconnu que « le caractère distinctif d’une marque visé à l’article 3, paragraphe 3, de la directive peut être acquis en conséquence de l’usage de cette marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle‑ci » (07/07/2005, C-353/03, Have a break, EU:C:2005:432).

Partant, il serait intéressant de voir si la réciproque est également vraie, à savoir si l’usage de la marque "easy" comme partie de la marque "easyCourier" est susceptible de conférer à cette dernière un caractère distinctif. Affaire à suivre…

Jeanne Bosson, Juriste en Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France

Lien de la décision

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