Les conditions juridiques de la mise en place d’une publicité comparative

By Colombe Dougnac,

Pour recevoir une fois par mois, les derniers articles rédigés par les experts Novagraaf, cliquez ici

La publicité comparative permet de comparer des produits ou services en utilisant les marques ou noms de concurrents, visant à objectivement montrer les avantages des produits pour stimuler la concurrence. Elle est licite sous certaines conditions strictes et doit éviter d’être trompeuse, dénigrante ou de créer de la confusion. Colombe Dougnac fait le point.

Définition et objectif de la publicité comparative

La publicité comparative est définie comme une publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la marque, la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne d'une entreprise concurrente, titulaire de droits de propriété intellectuelle.

Dans son aspect positif, elle devrait contribuer à mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits ou services comparables et à stimuler la concurrence entre les entreprises dans l'intérêt du consommateur.

La notion de concurrence est donc indispensable à la caractérisation de cette exception. C’est d’ailleurs en ce sens que la jurisprudence l’a rappelé dans une décision mettant en jeu la comparaison de sites Internet qui ne pouvaient être considérés comme concurrent, impliquant, par conséquent, que l’exception de la publicité comparative ne puisse s’appliquer (CA Paris, 22 janv. 2013, Sté Concurrence c/ Google).

Conditions de légalité (article L122-1 du code de la consommation)

La publicité comparative est considérée comme licite sous certaines conditions :

1. Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur :

  • les messages publicitaires « Qui mieux que Renault peut entretenir votre voiture ? » et « Les disques et les plaquettes certifiés par le constructeur permettent de gagner jusqu'à cinq mètres de distance de freinage » ont été jugés illicites. En revanche, le slogan « Qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault » n'a pas été jugé illicite (CA Versailles, 16 octobre 2008 ; Com., 10 mai 2011) ;
     
  • l'annonce "Le gaz naturel est, en coût global, de 15 % à 20 % moins cher que la vapeur, qui est son principal concurrent" est illicite dans la mesure où les produits n'étaient pas vendus dans les mêmes conditions, car les modalités de production et de commercialisation du gaz et de la vapeur diffèrent, et que cette publicité n'indiquait pas la durée pendant laquelle l'annonceur maintiendrait ses prix illicite (TGI de Paris, 18 novembre 1992) ;
     
  • l’indication, par un opticien, que les prix pratiqués sont moins chers qu’ailleurs justifie la condamnation si une enquête de la Direction de la concurrence révèle qu’un concurrent vend les mêmes marques à un prix inférieur (CA Riom, 26 oct. 1988) ;

2. Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif :

  • lorsque la comparaison porte sur un panel de produits, ceux-ci doivent être représentatifs des achats les plus courants et doivent répondre aux mêmes besoins ou avoir le même objectif, c’est-à-dire présenter un degré suffisant d’interchangeabilité pour le consommateur (CJCE, 19 sept. 2006, aff. 356/04).

3. Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie :

  • un hypermarché qui expose deux chariots remplis de produits, dont l'un provient d'un magasin concurrent situé dans la même ville, et conclut en comparant les tickets de caisse à la différence de prix, ne constitue pas une publicité comparative licite, car il faut que les produits puissent être comparés objectivement ou par leurs caractéristiques essentielles, ce que ne permet pas la mention des tickets de caisse (Cass., ch. crim., 4 mars 2008) ;
     
  • une publicité (diffusée à Paris) présentant les tarifs de location de véhicules pratiqués par un loueur et l'un de ses concurrents, alors qu’elle ne mentionnait pas que l’une des agences du concurrent était fermé le samedi, ce qui pouvait expliquer la différence de prix et qui ne permettait une comparaison objective (Cass., ch. Com., 1er juillet 2008) ;
     
  • la condamnation de l’annonceur qui n’était pas en mesure de s’assurer que les produits comparés présentaient les mêmes caractéristiques essentielles (Cass. crim., 9 mai 2007, no 06-86.373) ;

Lorsque la publicité comparative porte sur les prix, comme c’est souvent le cas, les produits comparés doivent être identiques (répondre aux mêmes besoins et de même nature), et vendus dans les mêmes conditions. La durée pendant laquelle sont pratiqués les prix mentionnés doit être indiquée.

L'exigence d'une comparaison objective exclut l'affirmation d'un simple jugement de valeur. La comparaison doit être effectuée de façon neutre, fondée sur des informations quantifiables.

Dès lors, la publicité comparative ne doit être ni déloyale, ni mensongère, ni trompeuse.

La jurisprudence fait une interprétation très restrictive des textes, en faisant une appréciation in concreto de chaque information et de chaque mot mis en place dans la publicité.

Interdictions (article L122-2 du code de la consommation)

En plus de la nécessité de son caractère licite, la publicité comparative ne peut :

1. Tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de commerce ou de service, à un nom commercial, à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit concurrent ;

2. Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent :

  • l'annonce "Leclerc moins cher que Carrefour Vitrolles, prix relevés au premier trimestre" dont le mode de calcul relatif à la comparaison des prix était particulièrement complexe, ne garantissait pas au consommateur un accès facile et simple à cette comparaison (Trib. com., Salon-de-Provence, le 21 avril 1993) ;
     
  • la publicité par voie d'affichage placée à proximité d'un parking et de l'entrée d'un supermarché d'un concurrent mentionnant "A peine plus loin, mais tellement moins cher" est constitutive de dénigrement (Trib. com., Chalon-sur-Saône, 12 octobre 1995) ;
     
  • si l'affirmation contenue dans la publicité "Renault vend deux fois plus de voitures en Allemagne que Volkswagen en France" n'était pas inexacte, l’information supplémentaire qui suggérait que ces chiffres étaient la conséquence d'une moindre qualité des voitures de la société allemande n'était pas une source d'information objective (TGI de Paris, 22 septembre 1991) ;
     
  • la publicité « Renault vend deux fois plus de voitures en Allemagne que Volkswagen en France. Cela vous étonne ? Pas nous. Grâce à la qualité de ses voitures et de son réseau, le premier constructeur allemand a vendu en France 57 000 voitures au premier trimestre 1991. Une belle performance. [...] Renault a vendu en Allemagne 137 000 voitures. Une très belle performance », le tribunal a estimé que, bien que les chiffres soient exacts, la publicité semblait indiquer qu'ils étaient justifiés par la qualité moindre des voitures et du réseau du constructeur allemand et l'a jugée illicite (TGI Paris, 23 septembre 1991).

3. Engendrer de confusion entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux d'un concurrent ;

4. Présenter des biens ou des services comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé.

En complément, il est strictement interdit de :

  • faire porter une publicité comparative sur des opérations commerciales nécessitant une autorisation administrative (ouverture dominicale d’un magasin, soldes...) ;
  • faire figurer une publicité comparative sur des emballages, des factures, des titres de transport, des moyens de paiement ou des billets d'accès à des spectacles ou à des lieux ouverts au public.

Sanctions (article L.132-2 du Code de la consommation)

En cas de violations des conditions légales, les actions sont :

  • poursuites en concurrence déloyale devant les juridictions civiles (dommages-intérêts et publication judiciaire de la condamnation) ;
  • action en pratique commerciale trompeuse devant les juridictions pénales (2 ans d’emprisonnement et 300 000€ d’amende) ;
  • action en contrefaçon de marque devant les juridictions pénales (3 ans d’emprisonnement et 300 000€ d’amende) ;

Le montant de l’amende peut être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels, ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité.

Synthèse et mise en pratique

Au regard des textes et de l’interprétation qu’en fait la jurisprudence, il convient de particulièrement s’attacher en amont de la mise en place de la publicité comparative, à respecter et vérifier la conformité des éléments concrets suivants :

  • une situation de concurrence entre les opérateurs dont les produits ou services sont comparés ;
  • les produits comparés doivent être vendus concomitamment ;
  • les produits comparés doivent être substituables (mêmes besoins et objectifs) ; 
  • la comparaison doit se faire sur un panel représentatif des produits les plus courants;
  • toutes les informations apportées doivent pouvoir être vérifiables (attention à l’usage de termes types : « le spécialiste, le premier, n°1…. ») ;
  • comparer les prix réels (et non les prix moyens) ;  
  • la publicité ne doit pas porter sur des offres promotionnelles ;
  • la comparaison doit être objective. 

Une fois ces informations vérifiées, nous recommandons de procéder à des constats d’huissier de la totalité des informations servant ladite publicité (tarifs des concurrents, locations proposées, dates et durée de l’offre, …). En effet, en cas de litiges, l’annonceur doit être en mesure de démontrer l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité, dans un « bref délai ».

Colombe Dougnac, Conseil en Propriété Industrielle en Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France.

Latest news

News & opinion

Louis Vuitton flexes trademark reputation of LV monogram in EU 

Louis Vuitton has successfully opposed an EU trademark application for ‘XL Sporting’ based on the trademark reputation of its iconic LV monogram. The EUIPO’s Opposition Division found that the differences between the signs were eclipsed by similarities in the arrangement of the two letters, thereby creating a similar visual overall impression, as Florence Chapin explains. 

By Florence Chapin,
Louis Vuitton flexes trademark reputation of LV monogram in EU 

For more information, please contact us