Action en contrefaçon en matière de brevet : le rôle majeur de l’inscription dans l’affaire SONY

Par Novagraaf Team,
Contrefaçon brevet SONY

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Le 24 avril 2024, la Cour de cassation a rendu un arrêt majeur dans l'affaire Sony, mettant en lumière l'importance de l'inscription d'un brevet au registre national de l'INPI. Elle rompt notamment avec l’arrêt de la cour d’appel en autorisant dans la régularisation d’un défaut d’inscription en cours d’instance, la possibilité de prendre en compte des faits commis antérieurement à l'inscription dans une action en contrefaçon.

L'inscription au registre des brevets constitue une formalité légale nécessaire faisant suite à un transfert de droits sur un brevet. Elle permet d'identifier le titulaire actuel des droits de propriété industrielle et de déterminer qui est légitimement habilité à défendre ses droits, notamment par une action en contrefaçon.

Dans un arrêt du 24 avril 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a réaffirmé l'importance capitale de cette formalité dans le cadre d'une action en contrefaçon, tout en ouvrant la possibilité de prendre en compte des faits antérieurs à l’inscription dans une régularisation.

Les faits de l’affaire

Dans cette affaire, la société Sony Computer Entertainment avait déposé trois brevets européens, désignant la France, pour protéger certaines fonctionnalités de la manette de la console « PlayStation ». Après une scission-création en 2010 et un changement de dénomination, la propriété de ces brevets avait été transférée à Sony Interactive Entertainment, société inscrite comme titulaire des brevets le 28 juin 2018.

En janvier 2017, Sony Interactive Entertainment, Sony Interactive Entertainment Europe (Sony Europe) et Sony Interactive Entertainment France (Sony France) ont assigné en justice la société Subsonic, soupçonnée de contrefaçon et de concurrence déloyale concernant la partie française de leurs brevets.

La Cour de cassation, après avoir d'abord rejeté l'action pour défaut d'inscription des transferts au registre, a néanmoins admis que ce défaut pouvait être régularisé au cours de la procédure. Cette position rompt avec la position de la cour d’appel (CA Paris, 9 septembre 2022, n°20/12901), en admettant dans cette régularisation que l’action puisse porter sur des faits antérieurs à l’inscription.

Le rappel de l'irrecevabilité d'une action pour des faits antérieurs à l'inscription

Dans l’affaire en question, les sociétés Sony Interactive Entertainment, Sony Europe et Sony France ont soutenu que le défaut d’inscription d’un brevet ne devrait pas empêcher le cessionnaire d’intenter une action en contrefaçon contre un tiers.

Cependant, la Cour de cassation a rejeté cet argument et a réaffirmé le principe posé par l’article L. 613-9 du Code de la propriété intellectuelle.

Selon cet article, tout acte de transmission d’un brevet doit être inscrit au registre national pour être opposable aux tiers. En outre, elle a rappelé que les actions en contrefaçon intentées pour des actes commis avant l’inscription d’un brevet au registre sont irrecevables.

La prise en compte de faits antérieurs dans le cadre de la régularisation

Les sociétés demanderesses ont également soutenu que, dans le cas où un ayant droit non inscrit au registre serait irrecevable à agir en contrefaçon, la régularisation de l’inscription pourrait corriger ce défaut de qualité à agir, tel qu’il est entendu par le Code de procédure civile. Selon elles, cette régularisation permettrait à l’ayant droit d’agir en contrefaçon pour des actes de contrefaçon, peu importe qu’ils aient été commis avant ou après l’inscription du brevet.

La Cour de cassation, tout en rompant avec l’arrêt de cour d’appel, a accepté cette interprétation.

Elle a admis que la régularisation du défaut d’inscription en cours d’instance permet à l’ayant droit d’agir en contrefaçon non seulement pour les actes commis postérieurement à l’inscription, mais également pour ceux commis antérieurement à l’inscription, sous réserve que le contrat de cession le permette.

Cette décision marque un changement significatif dans la manière dont les actions en contrefaçon peuvent être engagées lorsqu’une inscription est régularisée en cours de procédure.

Toutefois, que cet arrêt fasse revirement de jurisprudence ou ne constitue qu’une exception à la règle, l’inscription demeure une étape fondamentale et essentielle dans le cadre d’actions en justice, et son omission peut entraîner l'irrecevabilité de la demande.

Léa Miche de Malleray, Juriste stagiaire au Service Inscriptions brevets, Novagraaf, France

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