Action en nullité d’un brevet français ou de la partie française d’un brevet européen, intérêt à agir

Par Adrien Metivet,

La nullité d’un brevet peut être demandée par toute personne ayant un intérêt direct et personnel à agir (Article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile). Il est souvent admis que l’intérêt à agir doit être personnel et direct, légitime, né et actuel.

A ce sujet, le Tribunal Judiciaire de Paris a récemment dû trancher sur la recevabilité d’une action en nullité d’un brevet de médicament, et notamment sur la question de l’intérêt à agir d’une partie, en l’absence de situation de concurrence (Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 3e sect., 24 janvier 2020 ; 2018/14575 ; B20200005).

Les Demandeurs demandaient la nullité de la partie française du brevet européen n° EP2885005 qui couvre la nouvelle formulation d’un médicament contenant de la lévothyroxine. La revendication principale du brevet est la suivante : « Préparation pharmaceutique solide comprenant de la lévothyroxine sodique, de la gélatine, de l'acide citrique et une charge. »

Les Demandeurs dans cette affaire sont des personnes physiques, qui ne sont pas des concurrents du titulaire du brevet litigieux, mais des consommateurs directement impactés par le changement de formulation, notamment par des effets secondaires apparemment liée à la nouvelle formulation.

Le titulaire du brevet défendait, à juste titre, que l’objectif des Demandeurs, à savoir :

  • le retrait du marché de la nouvelle formulation, ou
  • la commercialisation simultanée de l’ancienne et de la nouvelle formulation,

ne serait pas impacté par la nullité de la partie française du brevet européen, car une telle décision serait sans conséquence sur les autorisations de mise sur le marché (AMM).

Annuler le brevet n’aurait pas d’impact sur l’AMM et donc sur la commercialisation de ces formules qui dépend de ladite AMM. Ainsi, annuler le brevet n’entrainerait pas le retrait du marché de la nouvelle formulation ou le retour de l’ancienne.

Le Tribunal a justement rappelé que, pour pouvoir être commercialisé en France, un médicament doit impérativement disposer d’une AMM en vigueur, ce qui n’est plus le cas de l’ancienne formulation, mais aussi que l’annulation d’un brevet de médicament n’entraîne pas de facto son retrait du marché. Dès lors que le médicament concerné dispose toujours d’une AMM valable, seule la situation de monopole est abrogée.

Concernant l’intérêt à agir, le Tribunal a ensuite conclus que « le lien de causalité entre l’action en nullité et l’effet escompté, à savoir la reprise, par la société MERCK ou par un tiers, de la fabrication et commercialisation du LEVOTHYROX AF, apparaît donc purement hypothétique et insusceptible d’entraîner une amélioration de la situation juridique et/ou économique des Demandeurs, de sorte que ceux-ci ne justifient pas, en l’espèce, d’un intérêt à agir. »

On retiendra donc que les personnes ayant subi des effets secondaires liés à la consommation de la nouvelle formulation ne justifient pas d’un intérêt à agir en nullité de la partie française du brevet européen mis en œuvre pour la fabrication et la commercialisation de ce médicament.

Pour intenter une action en nullité d’un brevet français ou de la partie française d’un brevet européen, le Demandeur doit se fonder sur des motifs de nullité, et doit aussi avoir un intérêt direct et personnel à agir contre le brevet.

L’intérêt direct et personnel à agir peut être justifié par le fait d'avoir une société dont l’activité commerciale est dans le même domaine d’activité que celui du breveté et/ou commercialisant des produits proche de l'invention brevetée.

Il semble au minimum nécessaire de démontrer l'existence d'actes préparatoires ou de projets sérieux pour mettre en œuvre une technique similaire aux brevets contestés (Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 6 mars 2013), ou le fait de chercher à libérer la technique brevetée ou une technique similaire pour une exploitation future (Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 9 avril 2019, RG n° 17/08631).

Novagraaf peut vous accompagner dans le cadre d’une action en nullité, notamment pour déterminer avec vous l’intérêt à agir et les motifs de nullité sur lesquels fonder l’action.

Adrien Metivet, Conseil en Propriété Industrielle – Brevets, Novagraaf, France

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