Conséquences de la divulgation d’une invention avant le dépôt d’une demande de brevet associée
Lorsqu’une invention est détectée, que ce soit au sein d’une entreprise ou bien d’un laboratoire de recherche, il est très important de s’assurer que celle-ci ne devienne pas accessible au public avant le dépôt de la demande de brevet, car toute divulgation, même accidentelle, de l’invention peut conduire au rejet de la demande de brevet, ou a minima fortement l’impacter par le retrait des éléments divulgués.
Conséquence d’une divulgation prématurée sur la portée d’un brevet
Deux exemples dans la jurisprudence de l’Office Européen des Brevets (OEB), illustrent bien ce point.
Dans la décision T582/18, la chambre de recours de l’OEB a discuté si un mémoire de master (appelé document D2) avait ou non été mis à la disposition du public avant la date de priorité du Brevet, et si ledit document faisait ainsi partie ou non de l'état de l'art.
Le mémoire de master en question porte la date « juin 2011 », soit un an et un mois avant la date de priorité du Brevet (juillet 2012). A cause du contenu de D2, la question de sa mise à disposition avant la date de priorité du Brevet était donc cruciale pour la validité de ce dernier.
Après avoir débattu de la plausibilité de cette mise à disposition, la chambre de recours de l’OEB a conclu que le document en question avait été rendu accessible au public dans une base de données, situation confirmée du fait que le document ait été cité dans une publication ultérieure de mai 2012.
Ledit mémoire de master divulguant toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet, l’objet de cette dernière n’est donc pas nouveau. Le brevet a tout de même été maintenu, mais sous une forme modifiée : la portée du Brevet a été fortement impactée par cette divulgation.
Conséquence d’une divulgation anticipée sur la demande d’un brevet
Dans la décision T1024/18, la chambre de recours de l’OEB a discuté l’accessibilité au public d’une ligne de production.
La chambre de recours précise que, selon une jurisprudence constante, la vente d'un appareil est, en l'absence de circonstances particulières limitant la liberté de divulgation de ses détails, suffisante pour rendre les détails techniques de l'appareil disponibles au public.
La vente de la ligne de production en 2009, pour laquelle il n'existe aucune preuve de confidentialité, même tacite, qui aurait empêché l’acheteur de divulguer librement les détails de ladite ligne de production à un tiers, constitue donc une mise à disposition du public avant la date de priorité du Brevet.
Dans le cas d’espèce, un témoin a en outre déclaré pendant la procédure d’opposition que des visiteurs avaient été admis sur la ligne de production, chez l’acheteur, sans avoir à signer de contrat de confidentialité. Pour la chambre de recours de l’OEB, il en ressort que l’acheteur avait la liberté de divulguer la ligne de production à qui elle le souhaitait.
La ligne de production, divulguant toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet, l’objet de cette dernière a été déclarée comme dénuée de nouveauté.
Le brevet a finalement été révoqué.
Ces deux exemples illustrent l’importance, en matière de brevets, de s’assurer que toute personne ayant connaissance d’une invention, soit tenue par la confidentialité, et que le dépôt de la demande de brevet est une priorité avant toute communication ou commercialisation de l’invention.
Pour éviter toute divulgation accidentelle, il est préférable d’envisager le dépôt de la demande de brevet dès que les éléments techniques principaux sont à peu près figés, tel qu’indiqué dans notre article « Du bon usage du droit de priorité pour protéger son invention ».
Pour toute question concernant ce sujet, les contrats de confidentialité ou tout simplement si vous souhaitez protéger votre invention, nos conseils en propriété industrielle se tiennent à votre disposition via le formulaire de contact ci-dessous.
Adrien Metivet, Conseil en Propriété Industrielle – Brevets, Novagraaf, France