Décision G1/21 : la vidéoconférence devient elle la norme à l’Office Européen des Brevets?
Faisons le point sur les procédures orales à l’Office Européen des Brevets (OEB).
En effet, le 16 juillet 2021, la Grande Chambre de recours de l’OEB a rendu la décision G1/21, qui autorise les procédures orales devant les chambres de recours sous forme de vidéoconférence, pendant une période d’urgence générale, même si toutes les parties n’ont pas donné leur consentement.
Tout d’abord, on peut rappeler que les procédures orales sont explicitement prévues par la convention sur le brevet européen (CBE), si l’OEB le juge utile, ou sur requête d’une partie. Dans les faits, c’est souvent la dernière possibilité de discuter d’un cas en examen, en opposition ou en recours avant la décision qui clôture la procédure, si bien que la procédure orale est quasiment toujours demandée à titre de précaution, notamment si une décision défavorable est attendue.
Depuis les débuts du brevet européen dans les années 1980, les procédures orales se tiennent en présentiel normalement dans les locaux de l’OEB (Munich, La Haye ou Berlin) et sont l’occasion de présenter les derniers arguments ou explications pour tenter d’obtenir une décision favorable. Toutefois, avec les progrès technologiques, des procédures orales peuvent se tenir depuis quelques années sous forme de vidéoconférence, si les parties le demandent, en particulier lors des procédures d’examen.
Avec la crise sanitaire liée à la COVID 19, les procédures orales par vidéoconférence sont devenues la norme, aussi bien en examen qu’en opposition ou en recours, pour ne pas décaler dans le temps les décisions. Cependant, dans certains cas, des parties ont demandé à maintenir la procédure orale en présentiel, quitte à en reporter la date en raison des restrictions de déplacement imposées. Ces demandes de report et contestation de la vidéoconférence ont conduit la Grande Chambre de recours à examiner la question suivante : une procédure orale en vidéoconférence est-elle compatible avec la convention sur le brevet européen (CBE), même si toutes les parties n’ont pas donné leur accord ?
La réponse a été publiée en juillet dernier et peut être résumée de la manière suivante : « En cas d’urgence générale, les procédures orales devant les chambres de recours sous forme de vidéoconférence sont compatibles avec la CBE, même si toutes les parties n’ont pas donné leur accord ».
La décision complète a été publiée fin octobre, et il est intéressant de la parcourir pour en tirer des enseignements supplémentaires.
Tout d’abord, on peut lire que la Grande chambre limite sa réponse aux procédures de recours car seule cette réponse est nécessaire pour permettre à la Chambre de recours qui a posé la question de statuer sur son cas.
Par ailleurs, la Grande Chambre de recours affirme que les termes de « procédure orale » ne sont pas limités à une procédure en présentiel, et qu’il suffit plutôt de pouvoir s’exprimer oralement, même si lorsque l’article relatif aux procédures orales est entré en force, aucune alternative aux réunions en présentiel n’existait concrètement.
Ensuite, la Grande Chambre de recours examine si les vidéoconférences sont équivalentes aux réunions en présentiel, et conclut que non. En particulier, même si on ne peut pas par exemple avoir la même instantanéité ou la même lecture du langage corporel, les vidéoconférences permettent d’exposer son cas oralement et permettent de respecter le droit d’être entendu.
La Grande Chambre de recours poursuit en examinant si une partie à réellement un « droit à une procédure en présentiel ». Il est intéressant de noter que la Grande Chambre de recours considère que les procédures en présentiel sont et restent la manière optimale de conduire une procédure orale, et constitue donc la « règle d’or ». En conséquence, il faut de bonnes raisons pour que l’on prive une partie de cette règle d’or, et il faut reconnaître que la pandémie et les restrictions de déplacement sont une raison à prendre en compte. Par contre, la disponibilité de salles, d’interprètes, et même les gains d’efficacité liés à la vidéoconférence ne sont pas à prendre en compte pour refuser une procédure en présentiel.
La Grande Chambre de recours termine en considérant la situation dans les pays européens et note que dans certains Etats, la vidéoconférence peut être subordonnée au consentement des parties, ou imposée sans le consentement des parties, mais que de manière générale, de grandes réticences existent pour imposer ce format, si bien que la Grande Chambre de recours a limité sa décision aux situations d’urgence générale.
On peut donc conclure que les vidéoconférences en procédure de recours ne seront imposées que lors de périodes d’urgence générale, et que les procédures orales en présentiel constituent la règle d’or qui prévaut.
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Cyrille Poindron, Conseil en Propriété Industrielle et Directeur du Département Mécanique – Brevets, Novagraaf, Suisse