Mikado évite le retour de bâton
Le fabricant français des célèbres biscuits chocolatés MIKADO a obtenu gain de cause devant la Cour de justice des Communautés européennes dans une décision du 28 février 2019. La marque de couleur tridimensionnelle protégée antérieurement, associée à la marque MIKADO, a été reconnue valable.
En novembre 2008, la société Lotte Corp. a déposé une demande d'enregistrement d'une marque figurative en Union Européenne représentant des bâtonnets de biscuit enrobés chocolat et incluant l'élément verbal "PEPERO ORIGINAL".
En avril 2015, Générale Biscuit-Glico France, fabricant des fameux bâtonnets de biscuit recouverts de chocolat MIKADO, a déposé une demande en annulation de la marque figurative Pepero. Pour ce faire, elle s'est appuyée sur sa propre marque tridimensionnelle française enregistrée le 19 octobre 2005 en classe 30 pour les produits suivants : "biscuits enrobés ou recouverts, notamment, de chocolat ou de caramel" représentant l'image d'une barre chocolatée :
La division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande au motif que la renommée de la marque antérieure était indissociablement liée à la marque MIKADO, qui n'était pas incluse dans la marque antérieure.
La chambre de recours de l'EUIPO a annulé cette décision le 11 mai 2018 (décision attaquée). La chambre de recours a fait valoir l’argument selon lequel la combinaison de la marque antérieure (bâtonnet de chocolat) avec une autre marque (marque verbale MIKADO) n'a pas empêché son usage en tant que marque et a ainsi reconnu l'usage sérieux de la marque antérieure par le biais des preuves portant sur la marque de couleur antérieure associée à la marque MIKADO.
Se pose néanmoins une question au sujet de l’enregistrement du bâtonnet de chocolat MIKADO à titre de marque : s’agit-il d’une marque de couleur bidimensionnelle ou tridimensionnelle?
En portant le litige auprès de la Cour de justice des Communautés européennes (CJUE), la requérante Lotte Corp. a fait valoir que le caractère distinctif de la marque antérieure devait être remis en cause car ce dernier serait altéré. Selon elle, la marque de couleur antérieure est une marque figurative bidimensionnelle représentant les produits en position horizontale, mais la preuve de l'usage de la marque antérieure n’a été apportée que pour les produits vendus sous forme tridimensionnelle.
La CJUE a considéré ce motif comme erronée et est venue préciser que la marque antérieure était bien une marque tridimensionnelle. A cet égard, une marque tridimensionnelle peut, si nécessaire, acquérir un caractère distinctif par l'usage, même si elle est utilisée conjointement avec une marque verbale ou figurative. Tel est le cas notamment si la marque consiste en la forme du produit ou de son emballage et si elle porte systématiquement une marque verbale sous laquelle elle est commercialisée.
La CJUE a ainsi rappelé qu'un produit peut porter plusieurs marques simultanément et que l'acquisition du caractère distinctif d'une marque peut résulter de son utilisation en combinaison avec une autre marque enregistrée - pour autant que les consommateurs perçoivent les produits concernés comme provenant d'une entreprise déterminée.
En ayant soulevé cette question, vient alors la question suivante : la marque PEPERO est-elle distinctive ?
La chambre de recours, dans le cadre de la décision attaquée, a estimé que l'élément figuratif de la marque figurative de l'Union litigieuse, constitué d'un faisceau de tablettes de chocolat, était tellement distinctif qu’avec l'élément verbal "PEPERO", il avait un caractère dominant.
La requérante et titulaire de ladite marque a contesté cette appréciation en faisant valoir que l'élément verbal "PEPERO" était l'élément dominant de la marque attaquée en raison de sa nature, de sa taille, de sa position centrale et de son absence d'association avec les produits en cause.
La CJUE a rejeté les arguments du requérant. L’élément verbal "PEPERO" a un caractère distinctif normal puisqu'il n'a pas de signification particulière pour les produits couverts par la marque attaquée. En outre, la Cour fait valoir que le consommateur au supermarché est davantage guidé par l'impact visuel général de ses étiquettes ou emballages.
Le raisonnement de la Cour insiste sur ce point en indiquant que le dans les supermarchés ou établissements similaires, le consommateur perd peu de temps entre ses achats successifs et souvent, ne procède pas à une lecture de toutes les indications portées sur les différents produits, mais se laisse davantage guider par l’impact visuel global produit par leurs étiquettes ou emballages. Dans ces circonstances, pour l’appréciation de l’existence d’un éventuel risque de confusion ou lien entre les signes en cause, les éléments figuratifs d’une marque peuvent jouer un rôle plus important que ses éléments verbaux dans la perception du consommateur concerné.
Dans ces conditions, L'élément figuratif de la marque PEPERO est dominant.
En outre, la CJUE a souligné qu'aucune preuve d'un risque de confusion n'est nécessaire pour satisfaire à la condition de l'existence de l'identité ou de la similitude des signes opposés en vertu de l'article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Selon la CJUE, il suffit que le degré de similitude entre ces deux marques amène le public concerné à établir un lien entre elles.
La Cour européenne rejette donc le recours dans son intégralité et a condamné Lotte Corp. aux dépens de la procédure - mais uniquement ceux exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours.
Florence Chapin est Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles chez Novagraaf France.