Oui, votre produit est incroyable, mais faut-il l'appeler ainsi ?

Suite à un jugement du tribunal de district de La Haye, Nestlé devra changer le nom de son "Incredible Burger" après que le tribunal ait jugé que la marque était trop similaire à "Impossible Burger". Dans le contexte de cet arrêt, Chantal Koller expose les risques liés à l'utilisation de termes "laudatifs" dans les noms de marque.

Les substituts de viande d'origine végétale bouleversent le marché traditionnel des hamburgers. Il n'est donc pas surprenant que leurs créateurs choisissent de les lancer en utilisant des superlatifs tels que "impossible", "incroyable" et "génial".

Toutefois, si ces termes peuvent décrire avec précision à la fois l'innovation et le goût, ils peuvent constituer des choix risqués du point de vue de l’adoption de la marque sous laquelle ils seront commercialisés.

Le mois dernier, Nestlé a été contrainte de changer le nom de son "Incredible Burger" après que le tribunal de district de La Haye a jugé que la marque était trop similaire à la marque rivale "Impossible Burger". L'entreprise n’a eu que quatre semaines pour retirer les produits dans le marché de l'Union européenne, sous peine d'une amende de 25 000 euros par jour.

Bien que Nestlé ait déclaré qu'elle avait l'intention de faire appel, l’entreprise a également laissé entendre qu’elle renommera son produit "Sensational Burger" en Europe (elle utilise déjà "Awesome Burger" aux États-Unis).

Le seul burger "incroyable"?

L'argument de Nestlé est que "tout le monde devrait pouvoir utiliser des termes descriptifs tels que "incroyable" pour expliquer les qualités d'un produit". Ce principe est effectivement l’un des fondamentaux en droit des marques.

La décision "Incredible Burger" était néanmoins fondée sur l’appréciation du risque de confusion entre deux marques utilisées pour les mêmes produits, sur le même marché, ciblant les mêmes consommateurs et ayant une structure marketing très similaire. Dès lors, la question de savoir si les termes "incroyable" et "impossible" sont suffisamment similaires pour justifier la reconnaissance d'un risque juridique de confusion n’est pas seul critère applicable en l’espèce. Il faut également se poser la question de savoir si les consommateurs se souviendront réellement de quel terme appartient à quelle société et associeront chaque marque au bon propriétaire.

Si les consommateurs ne sont pas en mesure de faire cette distinction sans comparer directement les deux produits, alors un risque de confusion devrait prévaloir sur le plan juridique - en d'autres termes, après avoir lu la nouvelle du jugement, vous souvenez-vous même de quelle entreprise promeut quelle marque ?

Les termes « laudatifs » sont-ils des marques valables ?

En règle générale, les termes « laudatifs » ne peuvent pas être enregistrés en tant que marques dans la plupart des pays, y compris en tant que marques de l'UE (EUTM) et marques nationales dans la plupart des pays européens.

Les marques non enregistrées sont également beaucoup plus difficiles à faire respecter, car le critère d'évaluation de la similitude et du risque de confusion qui peut en découler dépend de nombreux autres aspects de l'emballage, ainsi que de la manière dont les produits sont effectivement présentés aux clients sur le marché.

L'argument de Nestlé devrait donc se concentrer sur le fait que les marques litigieuses ne sont pas représentées seules sur l'emballage de chaque produit. Les autres éléments de l'emballage (et notamment la « marque maison » de chaque société) devraient normalement permettre aux clients de faire une différenciation suffisante.

Réduire les risques

Ce que cette affaire nous dit cependant une fois de plus, c'est que l'important n'est pas de savoir qui a raison ou qui a tort, mais plutôt que ­– même en utilisant des termes génériques et même lorsque vous êtes l'un des plus grands propriétaires de marques au monde – la confusion des marques n'est jamais positive pour l’entreprise.

Dans le pire des cas, comme illustré ici, vous pouvez être obligé de changer de marque même si vous utilisez des termes qui semblent appartenir au domaine public. Pour les entreprises qui ne sont pas en mesure de faire face aux coûts d'un tel exercice de re-branding (et dans un temps aussi limité que celui accordé par le tribunal dans le cas présent), cela représente un risque commercial majeur.

C'est pourquoi nous conseillons toujours à nos clients de créer des marques fortes, bien avant le lancement de leurs produits, en se basant sur des noms distinctifs, plutôt que sur des termes issus du langage courant, notamment des termes élogieux.

Veuillez prendre contact avec votre avocat Novagraaf ou contactez-nous ci-dessous si vous avez besoin de conseils supplémentaires sur les stratégies de dénomination des marques ou les enregistrements de marques.

Chantal Koller est Directeur Général des marques chez Novagraaf en Suisse.

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