Simulation d’un mouvement de foule dans un stade mise en œuvre par ordinateur
Nouvelles questions à la Grande Chambre de Recours de l’OEB.
Dans le cadre d’un recours T0489/14 sur examen d’une demande de brevet européen concernant un procédé mis en œuvre par ordinateur pour modéliser le mouvement des foules piétonnes dans un environnement (tel qu’une gare ou un stade), la Chambre de Recours a décidé de soumettre plusieurs questions à la Grande Chambre de Recours pour clarification de la brevetabilité d’une simulation mise en œuvre par ordinateur.
Devant la croissance exponentielle des inventions mises en œuvre par ordinateur (CII : Computer-Implemented Inventions) déposées auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB), ce dernier met régulièrement à jour ses Directives pour l’examen de ces demandes de brevet en accord avec la jurisprudence des chambres de recours.
Dans l’affaire T0489/14 qui nous préoccupe, la revendication principale concerne un procédé mis en œuvre par ordinateur pour modéliser le mouvement des foules piétonnes dans un environnement. Ce procédé comprend un certain nombre d’étapes de simulation du mouvement de chaque piéton en fonction notamment d’un trajet provisoire qui sera emprunté par le piéton, trajet qui sera adapté sur la base de critères variés parmi lesquels une fonction d'insatisfaction (« coût de déviation d’une direction et d’une vitesse »), du voisinage du piéton et de l’identification d’obstacles sur son trajet.
La Division d’Examen avait refusé la demande sur la base d’un défaut d’activité inventive en utilisant l’approche problème solution pour les inventions de type mixte, à savoir celles contenant des caractéristiques techniques et des caractéristiques non-techniques coopérant pour obtenir un résultat et ne retenant en l’espèce que la mise en œuvre par ordinateur comme caractère technique, en suivant la pratique actuelle de l'OEB. En particulier, elle avait noté que l’invention concernait une simulation mise en œuvre par ordinateur, qui est un modèle numérique se référant à des algorithmes et des équations utilisés pour capturer un comportement, en l’espèce un mouvement de foule ; un tel modèle numérique restant une entité abstraite, il devait être mis de côté pour examiner la brevetabilité selon la Division d'Examen.
Le demandeur a donc formé recours (T0489/14) contre la décision de rejet de la Division d’Examen. Au stade du recours, la Chambre a réexaminé la demande en cause et a tout d’abord remis l’invention dans son contexte en rappelant le but premier du simulateur objet de la demande. La simulation réalisée a pour but la conception d’un lieu tel qu’une gare ou un stade et plus particulièrement la gestion des flux de personnes dans un tel lieu, quitte à devoir modifier l’agencement selon les résultats de la simulation.
Toute la problématique réside dans l’appréciation des caractéristiques non-techniques et de la mesure dans laquelle ces caractéristiques participent au résultat obtenu s’agissant d’une simple simulation. Dans ce débat, référence a été faite à une décision antérieure T1227/05 portant déjà sur une invention de simulation et reconnaissant le caractère technique nécessaire lorsque la simulation portait sur une classe d’éléments techniques définie adéquatement. Bien que la demande en cause présente une certaine analogie avec cette décision antérieure, la Chambre garde des doutes sur le raisonnement qui a été développé, c'est à dire quant à savoir si le caractère technique d'une revendication de simulation peut être reconnu si l'objet simulé est technique (doutes également soulevés dans les affaires T0531/09, T1265/09 et T1630/11), et souhaite donc clarifier cette interprétation en soumettant à la Grande Chambre de Recours, les questions suivantes :
1. Dans l'évaluation de l'activité inventive, la simulation mise en œuvre par ordinateur d'un système ou d'un procédé technique peut-elle résoudre un problème technique en produisant un effet technique qui va au-delà de la mise en œuvre de la simulation sur ordinateur, si la simulation mise en œuvre par ordinateur est présentée comme telle ?
2. Si la réponse à la première question est affirmative, quels sont les critères pertinents pour déterminer si une simulation mise en œuvre par ordinateur prétend résoudre en tant que telle un problème technique ? En particulier, est-il suffisant que la simulation soit fondée, au moins en partie, sur des principes techniques sous-jacents au système ou au procédé simulé ?
3. Quelles sont les réponses aux première et deuxième questions si la simulation mise en œuvre par ordinateur est revendiquée dans le cadre d'un processus de conception, en particulier pour vérifier une conception ?
Nous attendons avec impatience la décision des sages de la Grande Chambre et ne manquerons pas de vous faire part de notre analyse. En effet, en fonction de la réponse qui sera donnée par la Grande Chambre de recours, des inventions portant sur des méthodes de simulation, jusqu'ici rejetées par les examinateurs de l'OEB, pourraient devenir parfaitement brevetables.