Admissibilité des marques : Puma l'emporte sur Nike dans l'affaire des articles chaussants
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Deux marques de vêtements de sport mondialement célèbres se sont récemment affrontées dans une bataille autour de la marque « footware », avec Puma s’opposant à l’enregistrement de la marque par Nike, au motif qu’elle ne serait pas éligible à la protection.
En 2019, l'entreprise américaine Nike, spécialisée dans les chaussures et vêtements de sport, a déposé la marque européenne (EUTM) "footware".
L’idée était de lier le concept de chaussures (« footwear ») à celui de logiciels (« software ») ou de matériel informatique (« hardware ») dans une gamme de produits intégrant de la technologie – autrement dit, des chaussures « intelligentes ».
La marque a été déposée en classes 9 (matériel informatique et logiciels), 38 (services de télécommunications) et 42 (fournisseur de services d’application avec logiciel API – un logiciel API permettant l’intégration de l’objet avec d’autres dispositifs).
La société concurrente Puma SE a engagé une action en nullité en 2020 à l’encontre de cette marque de l’Union européenne, en se basant sur les articles 7(1)(c) et 59(1)(a) du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017. Ces articles disposent qu’une marque ne peut pas être descriptive des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée.
Un terme descriptif
La division d’annulation de l’Office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne (EUIPO) ayant rejeté la demande de nullité, Puma a fait appel de cette décision. L’EUIPO a accepté cet appel, estimant que la marque était descriptive des services en question. En basant son évaluation sur le public anglophone ayant des connaissances de base, l’EUIPO a reconnu que le public pourrait potentiellement confondre le terme « footware » avec « footwear » et supposer qu’il s’agissait de chaussures ordinaires. Par la suite, Nike a fait appel de la décision de l’EUIPO devant le Tribunal de l’Union européenne, en avançant plusieurs arguments contre cette décision. Cependant, le Tribunal a rejeté cet appel en juin 2024.
Une question de perception
Premièrement, dans ses arguments, Nike a affirmé que l’EUIPO n’avait pas correctement évalué le caractère descriptif de la marque « footware ». Toutefois, selon le Tribunal, l’examen de l’EUIPO était approfondi et logique : le terme « footware » a été interprété comme une contraction de « footwear » et « software », ce qui renvoie à la technologie appliquée aux chaussures. Le Tribunal a confirmé que l’EUIPO avait correctement évalué le caractère descriptif, en se basant sur une analyse objective de la signification du terme pour le public concerné.
Deuxièmement, Nike a soutenu que Puma avait soumis ses preuves trop tard et qu'elles n’auraient donc pas dû être prises en compte. Le Tribunal a jugé que, bien que les preuves aient été soumises tardivement, elles étaient toujours pertinentes pour l’évaluation du caractère descriptif de la marque. Il a également souligné que l’évaluation de l’EUIPO s’appuyait sur une analyse plus large et que le retard dans la soumission des preuves n’avait pas eu d’impact décisif sur la décision finale. Troisièmement, Nike a tenté d’argumenter que « footware » n’était pas descriptif des produits et services pour lesquels il est enregistré, mais plutôt évocateur, ce qui, au regard du droit des marques, est suffisant pour dépasser l’exigence d’absence de descriptivité du signe. Toutefois, le Tribunal a estimé que le terme est descriptif des produits et services pour lesquels la marque a été enregistrée, en ce qu’il constitue une désignation logique pour des produits et services liés aux chaussures intelligentes et à la technologie appliquée aux chaussures. Pour le public concerné, le terme décrit clairement les caractéristiques des produits et, par conséquent, ne satisfait pas aux exigences de protection d’un signe au titre du droit des marques. En conséquence, le Tribunal a conclu qu’aucun des arguments avancés par Nike ne justifiait un réexamen de la décision de l’EUIPO refusant l’enregistrement de la marque « footware », ce qui signifie que Nike ne possède plus le droit exclusif de vendre des chaussures intelligentes sous ce signe. Toutefois, cela ne pourrait pas marquer la fin de l’affaire. Si Nike n’est pas d’accord avec la décision du Tribunal, elle peut encore former un pourvoir devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Étant donné que le caractère descriptif constitue souvent un obstacle à l’enregistrement d’une marque, il est essentiel de consulter un spécialiste du droit des marques lors du choix d’un nouveau nom à titre de marque. Pour en savoir plus sur ce qui est possible de déposer à titre de marque, contactez votre Conseil Novagraaf ou prenez contact avec nous ci-dessous.
Lisanne de Vries, Knowledge department, Novagraaf Amsterdam.