Les corrections d’erreurs matérielles doivent s’imposer à l’évidence – Règle 139 CBE
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La décision T0232/23 de la chambre de recours réaffirme que les corrections d'erreurs matérielles dans une demande de brevet doivent être évidentes pour l'homme du métier, conformément à la règle 139 CBE et aux principes de la grande chambre G11/91. Elle met en lumière l'importance de démontrer clairement le niveau de compétence technique nécessaire pour valider une correction sans dépasser le contenu initial de la demande.
Les corrections d’erreurs matérielles doivent s’imposer à l’évidence – Règle 139 CBE
La décision récente de la chambre de recours T0232/23 rappelle les principes de la décision de la grande chambre G11/91 :
« Une rectification des parties d'une demande de brevet européen ou d'un brevet européen relatives à la divulgation (la description, les revendications et les dessins) ne peut être effectuée que dans les limites de ce que l'homme du métier peut déduire directement et sans ambiguïté de l'ensemble de ces documents tels qu'ils ont été initialement déposés, en faisant appel à ses connaissances générales, objectivement et par rapport à la date de dépôt. Une telle correction a un caractère purement déclaratif et n'enfreint donc pas l'interdiction d'extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée prévue à l'article 123(2) CBE...»
Les limites de la correction des erreurs selon la règle 139 CBE
Dans le cas présent la chambre de recours se prononce sur une décision de rejet de la division d’examen, et dans laquelle il était reproché que les modifications de la revendication 1, en lien avec les définitions d’un composé de formule (I), s’étendaient au-delà du contenu de la demande déposée.
L’une de ces modifications concernait les composés organométalliques de la formule (1), et visait à remplacer « CH2 » divulgué dans la demande telle que déposée par « CH » au centre de la molécule, ce qui revenait à modifier Ti(OR1)3(R2CH2COCH2COOCH2R2)1 dans la revendication 1 de la demande telle que déposée par la formule Ti(OR1)3(R2CH2COCHCOOCH2R2)1, c'est-à-dire avec un atome d'hydrogène central en moins.
La chambre de recours conteste ce que la division d’examen a considéré comme une modification non conforme au principe rappelé au début de ce papier, et donc en contrariété avec les prescriptions de la règle 139 CBE :
« … la correction doit être évidente en ce sens qu'il est immédiatement évident que rien d'autre n'aurait été voulu que ce qui est proposé comme correction »
L'affaire : modification de la formule chimique dans la revendication
Le point particulièrement intéressant de cette décision est la prise en considération par la chambre de recours du niveau de connaissance technique de l’homme du métier, qui doit donc être considéré comme étant à même de déterminer l’état d’oxydation du composé de chimie de coordination, et d’y voir la correction qui devait être menée sur le quatrième ligand.
Le rôle des connaissances techniques de l'homme du métier
Dans cette décision, on voit donc toute l’importance d’apporter suffisamment d’élément pour convaincre la chambre du niveau de connaissance de l’homme du métier, et afin de rendre une modification acceptable, de montrer les critères que cet homme du métier sait devoir prendre en compte :
Ici, étant donné que le Ti est au degré d’oxydation 4, en considérant une liaison ionique entre Ti4+ et le ligand, « forcément » ceci implique une déprotonation de l’un des carbones pour aboutir à un ligand chargé négativement.
La décision va même plus loin dans l’utilisation des connaissances de l’homme du métier, puisque cet homme du métier sait également que le carbone central entre les deux -CO- porte le proton le plus acide et est donc nécessairement celui à prendre en considération pour opérer la modification…
Implications de la décision pour les praticiens
En conclusion, sous réserve d’apporter les éléments démontrant qu’aucune autre solution n’aurait pu être envisagée par l’homme du métier, le rétablissement de la bonne formule d’un composé décrit dans une demande de brevet ne contrevient pas aux principes de la CBE.
Cette décision dans son ensemble fait également écho au soin nécessaire à apporter à la rédaction des textes des demandes de brevets. Un défaut de rédaction ne peut être corrigé que si cette correction s’impose à l’évidence pour l’homme du métier défini par l’OEB.
Stéphane Masi, Conseil en Propriété Industrielle & Mandataire Européen auprès de l'OEB, Novagraaf, France