L’appréciation de la nature et de l'importance de l'usage en matière de déchéance de marque pour défaut d'exploitation

Par Perrine Waendendries,
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Les titulaires de marques françaises ou de l'Union européenne sont tenus d'utiliser leur marque dans les cinq ans suivant son enregistrement, sous peine de déchéance en cas d'action intentée par un tiers. L'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 5 mars 2025 (aff. T-118/24), concernant la marque de l'UE "ROZALIYA jewelry for enlightenment", rappelle des principes essentiels relatifs à la nature et à l'importance de l'usage d'une marque.

Le titulaire d’une marque Française ou de l’Union Européenne est soumis à une obligation d’usage de cette dernière dans les cinq ans à compter de son enregistrement. Faute d’usage, il encourt en effet la déchéance et, donc, la perte de ses droits, en cas d’action initiée par un tiers.

Nombre de décisions sont donc rendues chaque année sur l’appréciation de ce point crucial.

Le récent arrêt du Tribunal de l’Union Européenne du 5 mars 2025 (TUE - aff. T-118/24) est l’occasion de rappeler quelques principes essentiels en matière d’appréciation de la nature et de l’importance de l’usage d’une marque.

Contexte

En octobre 2021, Mme Rosalia Vila Tobella a initié une demande en déchéance partielle de la marque de l’Union Européenne « ROZALIYA jewelry for enlightenment », déposée le 17 mai 2016, notamment en classe 14, par la société Raphael Europe Ltd..

Le 21 décembre 2022, la division d’annulation de l’Office de l’EUIPO a prononcé la déchéance pour une partie seulement des produits visés par l’action en classe 14. La marque a donc été maintenue pour certains d’entre eux.

Le 20 février 2023, la requérante a introduit un recours contre la décision de la division d’annulation ; recours rejeté le 15 décembre 2023, la chambre de recours ayant considéré, en substance, que les éléments de preuve fournis par la titulaire de la marque contestée démontraient un usage sérieux pour les produits maintenus.

Points clés

Le TUE confirme en premier lieu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage en matière de marque doit être faite de façon globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents, et que les preuves doivent être analysées conjointement.

1. Nature de l’usage : un usage à titre de marque peut être constaté sans apposition du signe sur des produits

  • Il n’est pas nécessaire que la marque contestée soit apposée sur les produits eux-mêmes pour qu’elle fasse l’objet d’un usage sérieux, dès lors qu’elle est utilisée de manière à permettre d’établir un lien entre elle et la commercialisation des produits en cause. En l’espèce, la présence de la marque contestée sur des factures et des captures d’écran de pages Internet comportant des publicités, est suffisante pour permettre d’établir le lien entre l’usage de la marque et la commercialisation des produits en cause.
     
  • De façon classique, il est également rappelé le caractère inopérant de l’argument de la requérante selon lequel les documents précités permettraient de démontrer un usage, non pas pour des « bijoux » en classe 14, mais pour des « services de vente au détail de bijoux ». Ces derniers sont en effet généralement fournis pour le compte de tiers et non pour les propres produits du titulaire, comme tel est le cas en l’espèce.
     
  • Des factures démontrant la vente de produits en dehors de l’Union Européenne peuvent constituer un usage sérieux d’une marque de l’UE en cas d’apposition de la marque sur les produits ou sur leur conditionnement dans l’Union, dans le seul but d’exportation.
     

2. Importance de l’usage : un usage même modeste peut être qualifié de sérieux s’il est justifié par les caractéristiques du marché concerné

  • Aucun seuil quantitatif n’est fixé en matière de preuves d’usage. Il n’est dès lors pas nécessaire que cet usage soit quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage minime peut donc être suffisant, à condition qu’il soit justifié dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services protégés par la marque. Il s’agissait en l’espèce de factures démontrant des achats d’environ 16 bracelets, 10 bagues, 16 pendentifs, trois colliers, 1 paire de boutons de manchette et 6 paires de boucles d’oreilles, pour un montant total de près de 25 KE sur trois ans.
     
  • Les circonstances dans lesquelles la marque contestée est utilisée, à savoir dans le cas présent pour des produits artisanaux relativement coûteux, sont prises en compte pour considérer que, malgré le faible nombre de produits vendus, l’usage doit bien être considéré comme « sérieux » au sens des textes.

La question de l’usage étant centrale pour les titulaires de marques, nous vous invitons à nous contacter pour toute question.

Perrine Waendendries, Conseil en Propriété Industrielle - Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France.

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